La France a été informée de l'émission, par la justice algérienne, « de deux mandats d'arrêt internationaux » contre l'écrivain franco-algérien Kamel Daoud, a confirmé mercredi 7 mai le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, confirmant des informations de presse.
« Nous suivons et nous suivrons l'évolution de cette situation avec attention », a ajouté Christophe Lemoine, soulignant que Kamel Daoud était « un auteur reconnu et respecté » et que la France était attachée à la liberté d'expression. C'est la première fois qu'un récipiendaire du prix Goncourt (pour Houris, paru en 2024 chez Gallimard) est visé par un mandat d'arrêt international.
Campagnes diffamatoires
D'après MeJacqueline Laffont, avocate de Kamel Daoud qui s'exprime dans l'hebdomadaire Le Point (où Kamel Daoud est par ailleurs chroniqueur), ces mandats, dont on ne connaît pas les motifs, seraient délivrés par un juge du tribunal d'Oran, ville où le journaliste et écrivain a vécu. « Manifestement, ils ont été lancés par les autorités algériennes pour des considérations politiques », précise l'avocate. L'émission d'un mandat d'arrêt fait partie de la procédure d'usage selon le code de procédure pénale algérien. « Si l'inculpé est en fuite ou s'il réside hors du territoire de la République », le juge d'instruction peut émettre un mandat d'arrêt international, selon la loi régissant ce cas de figure.
« Pendant la guerre civile des années 1990, on assassinait des écrivains. Aujourd'hui on les met en prison et on lance ces mandats d'arrêt contre eux », a réagi le principal intéressé sur son compte X, faisant référence à la détention qui se poursuit en Algérie de Boualem Sansal. « Pleure, Ô pays bien-aimé ! On accueille tes égorgeurs et on pourchasse tes écrivains. Un jour, nous nous réveillerons enfin avec une terre natale dans nos bras et pas seulement dans nos souvenirs », y ajoute-t-il aussi.
Contactées, les éditions Gallimard n'ont pour l'instant pas encore réagi à ces nouvelles attaques concernant le prix Goncourt 2024. Dans un précédent communiqué, la maison avait dénoncé de « violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d'un régime dont nul n'ignore la nature. »
Audience au tribunal judiciaire de Paris
En novembre dernier, un tribunal algérien avait accepté une première plainte contre l'écrivain et son épouse psychiatre pour avoir dévoilé et utilisé l'histoire d'une patiente pour l'écriture de son roman Houris, récompensé par le prix Goncourt 2024.
Deux recours avaient alors été déposés contre Kamel Daoud et son épouse qui a soigné Saâda Arbane, une rescapée d'un massacre pendant la décennie noire de guerre civile en Algérie (1992-2002, 200 000 morts). Une plainte émane de Saâda Arbane qui les accuse d'avoir utilisé son histoire sans son consentement, et une autre de l'Organisation nationale des victimes du terrorisme.
Mais Kamel Daoud est également assigné en justice en France, pour non-respect de la vie privée, toujours par Saâda Arbane. Une première audience de procédure s'est tenue mercredi 7 mai au tribunal judiciaire de Paris. Pour Kamel Daoud, l'histoire évoquée dans Houris est publique, et son roman ne raconte pas la vie de Saâda Arbane.