Naguère, Dominique Fabre a habité près de Bécon-les-Bruyères, Asnières et Courbevoie. Puis il a un temps posé ses bagages porte de Charenton. Avant de s'installer dans un immeuble à la porte d'Ivry, rue du Château-des-Rentiers. Pour Le matricule des anges, il a tenu cinq années durant la chronique de sa vie de quartier. Des textes aujourd'hui repris en volume à L'Olivier sous le titre Des nuages et des tours.
Professeur capable d'interroger ses élèves sur les verbes irréguliers, l'écrivain démarre sa journée à sept heures moins le quart. Nous voici ramenés à une époque pas si lointaine où le Président d'alors prenait du bon temps sur le yacht d'un milliardaire. Autour de lui, l'auteur de Moi aussi un jour, j'irai loin (Maurice Nadeau 1995, repris en Points) et de Il faudrait s'arracher le coeur (L'Olivier 2012, repris en Points) voit un foyer pour travailleurs migrants et un autre pour femmes en situation difficile, les néons des frères Tang, le centre commercial Masséna 13, ou encore le centre de formation de toiletteuses pour chiens.
Le voici qui monte souvent à bord du bus PC2 où "on est si serrés qu'on ne peut même pas ouvrir un livre (surtout si on est poli)" et où "le matin lavie est un songe". Qui promène son "vieux coeur" dans les rues en flânant volontiers. Qui évoque un fils "qui préfère la tecktonik aux fractions non rémunérées" ou Bashung, "le seul rocker qui donne envie de se marier, exprès pour lire encore le Cantique des cantiques ». On croisera pêle-mêle ici une belle brune en manteau de mi-saison, un voisin jardinier, un gardien d'immeuble fan d'AC/DC, des SDF et des joueurs de dominos posés près du Paris Gel.
Dominique Fabre se souvient d'un voyage aux Etats-Unis où sa soeur réside depuis trente ans, rend visite à une vieille copine de fac atteinte d'un cancer, fait des escales à Marseille, à Tokyo et en Russie. A chaque fois, il regarde le monde et les êtres qui l'entourent, les heureux comme les damnés, avec un oeil lucide et bienveillant qui fait tout le sel d'un livre attachant
