Né à New York en 1936, John Giorno étudie à l’Université de Colombia puis travaille brièvement comme agent de change. En 1962, il fait la rencontre d’Andy Warhol, qui deviendra son amant et l’une des principales influences sur son travail de poète. Il apparait dans l’anti-film Sleep du pape du Pop Art, comme l’unique personnage : il y est filmé nu, endormi, pendant 5 heures et 20 minutes.
Moderniser la poésie
Après sa rencontre avec William S. Burroughs et Brion Gysin, Giorno commence à appliquer les techniques du Pop Art comme le cut-up ou le montage à ses créations. Convaincu que la poésie est en retard de plusieurs décennies par rapport à d’autres formes artistiques comme la peinture ou la sculpture, il tente par ce biais de la faire rentrer dans l’ère moderne.
Il porte rapidement son intérêt vers les formes multimédias de l’expression artistique, plus accessibles et massificatrices que les livres ou les magazines, dont la performance sonore. En 1967, il lance son expérience la plus connue, le Dial-a-poem, un numéro joignable toute la journée par n’importe qui désirant écouter un poème pendant quelques minutes. Des millions d’Américains ont ainsi pu entendre des vers récités par Allen Ginsberg, Anne Waldman ou encore Ron Padgett. Le service est toujours disponible aujourd’hui.
Une oeuvre massive et hybride
A la suite de ce succès, Giorno s’engouffre dans le registre de la poésie sonore avec sa société, Giorno Poetry Systems. Il fait paraître de nombreux disques contenant les enregistrements des Dial-a-poem, mais aussi des albums au contenu varié où il modifie sa voix au synthétiseur et incorpore des éléments audios nouveaux empruntés à la scène rock ou à la scène slam naissante.
Progressiste, opposé à la guerre du Vietnam et favorable à la libéralisation radicale des mœurs à une époque où la pornographie et l’homosexualité étaient encore tabous, Giorno utilisait ses poèmes comme des vecteurs de transformation sociale. Le contenu érotique côtoyait la récusation de l’ordre conservateur puritain, considéré comme hypocrite. Démocratisation de l’art et ouverture politique se confondaient dans son oeuvre, populaire et hybride, prélude à la culture de masse moderne.