Disparition

Jean-Luc Pidoux-Payot, l’éditeur des sciences humaines et ancien président du SNE, est décédé

« Il était de la génération de Francis Esménard, de Claude Durand et de Christian Bourgois » - Anne Pidoux, fille de l'éditeur. - Photo Louis Monier

Jean-Luc Pidoux-Payot, l’éditeur des sciences humaines et ancien président du SNE, est décédé

Ancien PDG des éditions Payot puis de la maison Plon, Jean-Luc Pidoux-Payot est décédé, lundi 5 août, à l’âge de 89 ans. Également ancien président du Syndicat national de l'édition (SNE), il avait grandement contribué à la percée des sciences humaines et sociales dans le paysage éditorial français. 

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Par Elodie Carreira
Créé le 07.08.2024 à 18h37

Il était de cette étoffe littéraire tissée dans les années 1970. Jean-Luc Pidoux-Payot, ancien PDG des éditions Payot puis des éditions Plon s’est éteint lundi 5 août, à l’âge de 89 ans. Figure discrète de l’édition française, il en fût pourtant un maître majeur en participant à la démocratisation, à grande échelle, des sciences humaines et sociales.

« Le livre, c’était toute sa vie », confie à Livres Hebdo sa fille, Anne Pidoux, désormais éditrice chez JC Lattès. Et pour cause, neveu de Gustave Payot, éditeur et libraire vaudois à l’origine de la refonte de la maison éponyme, Jean-Luc Pidoux-Payot en était le digne héritier. À peine âgé de 26 ans, il prit donc la tête de la maison Payot, qu’il ne quittera qu’une vingtaine d’années plus tard, en 1987, contraint par la décision de son actionnaire majoritaire.

« Il relisait absolument toutes les premières et deuxièmes épreuves de chaque livre »

« C’était mon maître de l’édition, mon premier patron et mon premier éditeur », raconte Laure Adler. La journaliste et autrice de nombreux ouvrages, dont une biographie de Marguerite Duras (Gallimard, 1998), n’avait que 22 ans lorsqu’elle rencontra l’éditeur, venu assister à sa soutenance de thèse. Habitué à écumer les bancs des universités en quête de talents neufs – « il s’intéressait beaucoup au renouvellement des générations » souligne-t-elle -, celui-ci lui avait alors proposé de publier son travail. Suite à cela, l’éditeur l’invita à travailler au sein de la maison, aux côtés de l’historien Marc Ferro.

« C’était un être humainement remarquable, absolument merveilleux, de par son humour, mais aussi de par son affabilité. Il entretenait des liens personnels avec ses auteurs, c’est-à-dire qu’il relisait absolument toutes les premières et deuxièmes épreuves de chaque livre avant que celui-ci ne parte à l’impression », se souvient-elle, avant de saluer sa contribution dans l’accès du grand public aux sciences humaines et sociales. « Il avait endossé la responsabilité de Payot Paris à une période où les sciences humaines commençaient à gagner en succès. Les essais se vendaient entre 50 et 60 000 exemplaires et Jean-Luc a grandement amplifié ce mouvement ».

Fondateur de « la plus grande librairie de France »

Durant près de trente ans, Jean-Luc Pidoux-Payot a ainsi secoué la ligne éditoriale de la maison, jusqu'à lui conférer le titre de référence en matière de sciences humaines et sociales. Il y a notamment créé la « Petite Bibliothèque Payot », qui publia les œuvres complètes de Freud, mais aussi la collection de réflexion philosophique « Crise de la politique », qu’il fonda en 1974 avec le penseur Miguel Abensour.

« Il a aussi été président du SNE (Syndicat national de l’édition), de 1979 à 1982, ajoute Anne Pidoux, Son bureau, comme il aimait l’appeler, a initié le premier Salon du livre de Paris, inauguré sous Mitterrand et Jack Lang. Mon père voulait en faire la plus grande librairie de France, un endroit où les éditeurs apporteraient leurs nouveautés comme leurs fonds. Il a aussi bataillé pour protéger les librairies avec le prix unique du livre et a fait la promotion du livre français à l’étranger ».

« Un véritable réformiste de l’édition »

Six ans après son mandat de représentant syndical, Jean-Luc Pidoux-Payot s'est retrouvé propulsé à la tête des éditions Plon, sous l'impulsion de Christian Bourgois qui dirigeait alors avec son frère, Jean-Manuel Bourgeois, le groupe des Presses de la cité.

« C’était une période assez extraordinaire durant laquelle Jean-Luc a pris des décisions magistrales », argue Laura Adler, citant la publication d’ouvrages de renom tels que L’histoire des femmes en Occident, en cinq volumes, de Georges Duby et Michelle Perrault, ou Histoire du Lynx, essai autobiographique de Claude Levi Strauss, qui resta fidèle à la célèbre collection « Terre humaine » de la maison. « En tant que patron et éditeur, Jean-Luc a changé la maison sans la bousculer, grâce à son ouverture à toutes les sensibilités éditoriales. C’était un véritable réformiste de l’édition ».

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