De l’aveu de son entourage et de ses anciens collaborateurs, Jean-Guy Boin, ancien directeur général du Bureau international de l’édition (Bief), n’était pas un adepte des projecteurs. Décédé vendredi 13 septembre à l’âge de 73 ans des suites d’un cancer, d'après une annonce de ses proches, il fut néanmoins un fervent défenseur de l’édition française à travers le monde. Passé par Maspero, devenu les éditions de La Découverte, il fut également l’un des architectes de la loi Lang ou encore de l’Association pour le développement économique de la librairie de création (Adelc).
Un spécialiste de l’économie du livre
« Il était toujours là quand il s’agissait de défendre l’édition indépendante ou la librairie », raconte à Livres Hebdo Bertrand Morisset, ancien commissaire général du Salon du livre de Paris, qui fit la rencontre de Jean-Guy Boin lorsque celui-ci dirigeait les affaires financières de La Découverte. Arrivé dans la maison d’édition sous François Gèze, ancien patron des éditions Maspero disparu pendant l’été 2023, Jean-Guy Boin y était resté jusqu’en 1991.
Grand spécialiste de l’économie du livre - il écrivit notamment Les Jeunes éditeurs : esquisse pour un portrait (La Documentation française, 1986) et Du printemps des éditeurs à l'âge de raison (La Documentation française, 1989) avec Jean-Marie Bouvaist -, il participa aux discussions de l’interprofession sur la mise en œuvre de la loi Lang, dont il dessina les contours avec d’autres professionnels.
Sept ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, il contribua également à la création de l’Adelc aux côtés d’Henri Causse, patron emblématique des éditions de Minuit décédé en juillet dernier, ainsi que des éditions Gallimard et du Seuil.
« Jean-Guy Boin a beaucoup donné pour le monde du livre »
« Il justifiait la création de l’association en disant, entre autres, que la loi était nécessaire, mais pas suffisante, qu’il fallait renforcer l’économie des librairies tout en garantissant leur indépendance », se souvient Didier Grevel, actuel délégué général de l’Adelc.
Ému par la disparition de celui qui fut son ami pendant plus de 30 ans, il détaille : « Jean-Guy accordait une grande importance aux mots et à leur sens. C’était quelqu’un de très engagé, tout le temps, dans tous les métiers qu’il occupa. Il faisait preuve d’une disponibilité totale, de capacités de travail et d’analyse hors normes. Bien qu’il pût paraître réservé, c’était également un ami extrêmement fidèle, qui a beaucoup donné pour le monde du livre ».
En 1992, Jean-Guy Boin avait rejoint la direction du livre et de la lecture du ministère de la Culture, où il dirigea le bureau de l’économie du livre. Il y fit la rencontre de celui qui fut une sorte de disciple avant d’être son ami, Guillaume Husson, désormais à la tête du Syndicat de la librairie française (SLF). « Travailler avec lui fût extrêmement formateur. Il m’a transmis l’essentiel des connaissances nécessaires pour travailler sur ces sujets, qui sont aussi économiques que juridiques. Il était le meilleur connaisseur des rouages économiques des différents maillons de l’édition et était régulièrement sollicité pour conseiller tout un tas de dossiers de l’interprofession », poursuit ce dernier, évoquant jusqu'à son investissement pour Fileas, le récent projet du Syndicat national de l’édition sur la transparence des ventes de livres.
Un facilitateur du rayonnement de l’édition française
En 2001, Jean-Guy Boin prit la tête du Bief, d’abord sous la présidence d’Alain Gründ, avec lequel il posa les principes de l’organisation, puis sous l’éditrice Vera Michalski. « Avant Alain et Jean-Guy, il n’y avait jamais eu d’action concertée pour faire exister l’édition française à l’international et sur les stands des foires étrangères, réaliser des études sur les différents marchés ou soutenir les responsables des cessions de droits », détaille la fondatrice du prix Jan Michalski de la littérature.
Jusqu’à sa démission en 2018 et le relais de son successeur, Nicolas Roche, Jean-Guy Boin développa donc la structure du Bief et ses actions, érigeant des ponts culturels et commerciaux entre les maisons françaises et étrangères, faisant du Bief cette organisation qui, aujourd’hui, assure le rayonnement de l’édition française à l’international.