Une fille perdue. Au départ, il y a une tragédie. La mort d'une fille de 20 ans. Elle s'appelait Marianne, est morte dans sa chambre d'étudiante lors d'un jeu sexuel qui a mal tourné avec son petit ami. À peine un fait divers. Que laisse-t-elle derrière elle ? Une présence, un caractère et des souvenirs. Des souvenirs comme une marée qui ne se retirera plus, que vont devoir se partager ceux qui restent, qui l'aimaient, même s'ils ont su inégalement le lui dire et l'en convaincre. Parmi les endeuillés, il y a d'abord son frère cadet, Liam. Sa sœur suivait ses études à Paris, lui vit avec sa mère dans le Sud. Il ne sait pas comment s'y prendre avec ce départ qui envahit sa vie. Si ce n'est, peut-être, essayer de deviner, de savoir, quelle fut sa dernière pensée au moment où elle glissa dans sa nuit. D'elle, il imagine que gît un secret qu'elle lui aurait laissé. Il y a aussi sa mère, Vanessa, qui conserve pieusement les carnets laissés par sa fille, et son père, Marcus, un journaliste parisien qui constate, éperdu de douleur, que le temps perdu ne se rattrape pas. Il y a enfin, la meilleure amie de Marianne, Beatrix. Elle seule sait certaines choses et va révéler à Liam la réalité des gouffres intimes de sa sœur.

Tout ce petit monde, perdu dans l'entre-chien et loup d'une mémoire partagée et fuyante (comme l'est le réel lorsqu'il s'échappe de la vue de ceux qui voudraient le fixer), c'est celui de Medusa, le nouveau roman d'Isabelle Sorente. Malgré les lignes qui précèdent, on ne résume pas un livre de l'autrice de L. ou La faille (Lattès, 2001 et 2015). Du moins, pas sans dire quelque chose de la belle frontalité de son écriture. Isabelle Sorente déploie en plus ici, dans ce récit presque classique d'une ampleur inédite, un sens du romanesque qui n'est définitivement qu'à elle. Comme lui appartient aussi sa sensibilité à toutes les émergences de la nature. Son feu, sa colère parfois. « Ce n'est pas la lumière du soleil que les enfants qui ont grandi entre une baie et une falaise apprennent en premier, mais les lignes d'ombre si nettement découpées qu'on dirait des entailles, fines comme des cheveux, profondes comme des abîmes. » Plongeons.