« Chacun de nous est l'historien de sa propre vie », écrit Hisham Matar qui en a fait la triste expérience en tentant d'élucider une absence. Cet homme aux cultures multiples a vu le jour aux États-Unis, avant de grandir à Tripoli, au Caire ou à Londres. Il y effectue des études prometteuses, lorsque le kidnapping et la disparition de son père fracassent toute sa famille. Pourquoi ce dernier a-t-il été enfermé dans les effroyables prisons libyennes ? Comment retrouver sa trace ? L'auteur a mené une enquête, épineuse et poignante, en revenant au bercail dans La terre qui les sépare. Cela lui a valu le prix Pulitzer et le prix du Livre étranger France Inter/JDD en 2017.
C'est après l'écriture de ce récit qu'il se rend à Sienne pour se reconstruire. Celui qui se décrit comme un « endeuillé sans tombe » se surprend à revoir son père dans ses pensées. « Je me suis demandé ce que signifierait pour les morts se souvenir des vivants. Quel scandale d'être en vie. Peu importe l'armure que nous choisissons, tout est voué à mourir. » Accompagné de sa femme photographe, Diane, Matar se rend en Italie dans le but de cultiver sa passion pour l'art siennois du XVe siècle. Il y perçoit « la formulation d'un sentiment d'espoir. Tout acte de création est implicitement une célébration : découvrir le monde et le nommer, reconnaître sa présence, dire qu'il existe. » En analysant les tableaux de ces peintres connus ou méconnus (Ambrogio Lorenzetti, Giovanni di Paolo...), il nous offre une cartographie de l'humanité dans sa douleur, sa joie ou ses contradictions. Ce texte inqualifiable est illustré de plusieurs toiles, dans lesquelles il perçoit des étoiles philosophiques.
À travers cette déambulation profonde, il nous raconte son histoire boiteuse, tout en s'interrogeant sur les mystères de la nature humaine. « L'art et l'amour sont des expressions de foi » si salvatrices. Hisham Matar tisse une géographie qui n'appartient qu'à lui. Au sein de cette « chanson intime », passé et présent, morts ou vivants s'entrechoquent merveilleusement. Il avoue d'ailleurs : « Je n'étais pas venu à Sienne pour seulement contempler des tableaux. J'étais aussi venu y faire mon deuil en solitaire et déterminer comment avancer désormais. »
Un mois à Sienne Traduit de l’anglais (Angleterre) par Sarah Gurcel
Gallimard
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 14 € ; 144 p.
ISBN: 9782072850028