avant-portrait > Tom Hodgkinson

En 1999, Tom Hodgkinson importe de l’absinthe en Angleterre. Quoi de plus emblématique que cet alcool fin de siècle pour tuer le temps de manière baudelairienne ? L’oisiveté est la mère de toutes les malices, et l’auteur de L’art d’être libre dans un monde absurde n’a jamais manqué d’humour ni d’imagination. Le cofondateur de The Idler - "l’oisif", magazine "dédié à la glande" et empreint d’idéalisme préindustriel - avait terminé deux ans auparavant sa collaboration au Guardian, où il tenait une rubrique sur les tendances. Il devait se réinventer.

L’aventure n’aura guère été concluante : outre-Manche, l’absinthe n’a pas franchement remplacé le gin. Tom et sa petite famille déménagent de Londres pour le champêtre comté de Devon, un endroit idoine pour la procrastination. Il y commet un manifeste du rien-faire, How to be idle, "comment être oisif", qui fait un tabac.

Sous couvert d’esprit de provocation potache, Tom Hodgkinson est un penseur punk (il tenait la basse dans son groupe à l’université, sous influence rock alternatif US, tels Run-DMC ou The Smashing Pumpkins), un anarchiste façon situationnistes et dans la droite lignée du Droit à la paresse de Paul Lafargue, et un lecteur assidu du designer Arts & Crafts communiste William Morris ou du théoricien anticonsumériste Raoul Vaneigem. Rara avis dans un Royaume-Uni animé depuis la Révolution industrielle par l’éthique du travail protestante qu’ont boostée les années Thatcher, Hodgkinson s’est toujours érigé contre le concept bourgeois de carrière : "la carrière, c’est le contrôle".

 

Moins, c’est mieux

Son chemin de Damas de la décroissance fut cette expérience au Sunday Mirror, juste après un job d’étudiant comme disquaire. Parce qu’il se disait qu’il fallait un "vrai métier", il devient journaliste. Entre pseudo-investigation - le titre populiste n’est pas le plus rigoureux de la presse britannique -, machine à café et photocopieuse, le jeune Tom n’a qu’un mot pour qualifier son nouveau boulot : "boring !", ennuyeux. "Une espèce d’ennui existentiel. Je me forçais à faire des piges à côté." Mais à cette ambition par procuration qui vous oblige à faire la course aux plans de carrière qui ne mène qu’au crédit et à la consommation, Hodgkinson dit non merci.

L’art d’être libre est une suite et réponse au Comment être oisif - car d’aucuns objectaient qu’il fallait être riche pour ne rien faire. Que nenni, rétorque Hodgkinson dans son manifeste libertaire, où il exhorte à être créatif, tourner le dos aux supermarchés, faire son pain et son compost, jouer de l’ukulélé… Trois accords suffisent : hyper punk, l’ukulélé. Less is beautiful, moins est l’ami du mieux. Sean J. Rose

L’art d’être libre dans un monde absurde, Tom Hodgkinson, trad. de l’anglais par Corinne Smith, préf. de Pierre Rabhi, Les Liens qui Libèrent. Prix : 22 euros, 350 p. Sortie : 14 septembre. ISBN : 979-10-209-0520-8

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