Initiateur, le 11 janvier, d’une pétition réclamant l’attribution exceptionnelle à Charlie Hebdo du Grand prix du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD), dont la 42e édition se tiendra du 29 janvier au 1er février, l’auteur de BD Gwen de Bonneval, qui préside cette année le jury des prix, réagit à la décision du festival de maintenir le processus habituel de sélection du Grand prix.
Livres Hebdo : Alors que le FIBD a décidé hier soir qu’il maintenait les opérations de sélection de son Grand prix, espérez-vous encore que votre pétition aboutisse ?
Gwen de Bonneval : Malheureusement, cela semble mal parti. Le FIBD à l’air décidé à mener à terme l’élection du Grand prix 2015. Mais l’important reste de manifester que nous sommes nombreux à penser que ce serait un bel hommage. L’obtention du Grand prix garantit au lauréat un espace énorme sur l’édition suivante. L’attribuer à Charlie offrait des perspectives significatives. La pétition, qui symbolise vraiment le soutien des auteurs et dessinateurs de BD envers ceux de Charlie, est une façon de faire entendre notre voix. On aurait aimé faire partie des discussions sur la façon d’honorer la mémoire des victimes lors du festival. Les organisateurs ont décidé seuls. La pétition est davantage un moyen qu’un but désormais, on ne pouvait pas rester sans rien faire.
LH : La création par le FIBD d’un Prix Charlie de la liberté d’expression ne va-t-elle pas dans le sens que vous souhaitez ?
GdeB : Je trouve cela très bien, puisque ça s’inscrit dans une idée de continuité. Mais ce n’est pas incompatible avec la mesure exceptionnelle de donner le Grand prix de cette année à Charlie Hebdo. Je pensais qu’en face d’un contexte exceptionnel, il fallait réagir de façon exceptionnelle, montrer que nous sommes capables de changer nos habitudes, ici geler les votes du Grand prix, les reprendre l’année prochaine, et laisser la place à Charlie Hebdo ; marquer le coup avec un geste généreux, plein et spontané. Il revient souvent qu’il ne faut pas agir sous l’émotion, mais l’émotion est importante, et cela ne signifie pas qu’il n’y pas d’intelligence derrière.
LH : Cette polémique a-t-elle un impact sur votre rôle au sein du festival ?
GdeB : Je me suis fait le porte-parole des auteurs dans cette pétition en tant qu’auteur moi-même, pas en tant que président du jury du FIBD. Les organisateurs n’ont pas forcément apprécié ma position, mais la parole est libre. Il n’auraient pas pu me demander de ne pas m’exprimer sur le sujet. L’essentiel étant que l’équipe de Charlie Hebdo soit à l’honneur et satisfaite de la façon dont les choses sont mises en place. Tout le monde est Charlie, mais c’est d’abord eux. Donc je ne suis pas du tout en guerre avec le FIBD. Nous avons simplement souffert d’un manque de communication entre organisateurs et auteurs, et avons deux opinions différentes. Beaucoup de choses vont apparemment se créer lors de la manifestation qui débute le 29 janvier, et les organisateurs semblent en étroite communication avec Charlie Hebdo. Il s’agit juste de faire en sorte que Charlie reste le plus vivant possible. Je suis dans cette démarche là, et l’ai toujours été.