Avant-critique Essai

Guy Konopnicki, "Je ne sais pas dessiner" (Le Condottiere)

Guy Konopnicki - Photo © DR/Le Condottiere

Guy Konopnicki, "Je ne sais pas dessiner" (Le Condottiere)

Rentrée littéraire

Dans cet essai délicat, Guy Konopnicki évoque son ami le dessinateur Tignous, assassiné avec ses collègues de Charlie Hebdo.

Parution 9 janvier

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Par Laurent Lemire
Créé le 08.01.2025 à 14h00

La force du dessin. Guy Konopnicki, dit "Konop", aime parler de lui, des autres, de son père Raphaël, juif, communiste et résistant, et de son ami Bernard Verlhac, alias Tignous, assassiné avec onze autres dont Cabu, Charb, Honoré, Wolinski et Bernard Maris dans les locaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Ce récit leur est consacré. Avec Tignous, qui illustrait depuis des années ses chroniques dans Marianne, Konop avait le projet d'un ouvrage sur la force du dessin, lui qui n'a jamais croqué que par le verbe. Il voulait montrer cela avec son complice, il n'en a pas eu le temps.

Le projet est devenu ce récit sur les amis qui tombent, les illusions qui disparaissent sous la violence du fanatisme, les idées de gauche pulvérisées par le conformisme intellectuel et une certaine lâcheté. Konop s'est toujours revendiqué juif, laïc et libre. Il aurait voulu savoir manier le crayon comme son ami pour dessiner des prophètes à l'infini, pour en finir justement avec ce respect qu'il vit comme une soumission. Alors il se souvient de sa mère qui lisait La métamorphose de Kafka en allemand tout en étant vendeuse de Prisunic et de ce père insoumis auquel il n'a pas osé dire qu'il l'aimait. "Monsieur Ralph", chef étalagiste décorateur dans le sud de la France préférait le terme de "clandestinité" à celui de "Résistance". C'est pourtant lui, alors secrétaire fédéral du parti communiste des Alpes-Maritimes, qui fut chargé par la direction nationale du PCF d'empêcher la proclamation d'une république populaire sur le Rocher au nom du PC monégasque constitué de croupiers et de sardiniers.

Konop évoque aussi la douce nostalgie de 1958 où il entre en sixième au moment où la France passe en Ve, les insouciances de sa jeunesse communiste, les filles d'hier, le Paris qui s'éveille quand les journaux sont imprimés et les ouvriers déprimés, cette presse qui sentait l'encre et le labeur. Celui qui se définit comme un schlémil, un maladroit en yiddish, réussit un livre tout en délicatesse sur la perte, ce qu'elle vous fait, là où elle vous entraîne, là où elle vous laisse aussi avec son petit compendium de tristesses. Si un dessin en dit toujours plus que ce qu'il montre, l'écriture en dit toujours moins. Mais cette faiblesse est aussi sa force. C'est bien ce que finit par mettre en évidence ce texte pudique et politique.

Guy Konopnicki
Je ne sais pas dessiner
Le Condottière
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 14 € ; 140 p.
ISBN: 9782487468429

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