Pygmalion et le plus beau garçon du monde. Quitte à être essentialisé, assigné à résidence, autant que ce soit pour la plus noble des causes, la plus flatteuse des réputations et par le meilleur des maîtres. Soit respectivement l'amour de l'art et de la beauté, devoir incarner jusqu'à l'épuisement « le plus beau garçon du monde » (marque déposée par les gazettes de l'époque) et Luchino Visconti, donc. 1970, peu après la sortie des Damnés et alors que son projet d'adaptation de La recherche du temps perdu semble s'enliser, le cinéaste parcourt l'Europe pour les besoins de son nouveau projet. Il s'agit cette fois-ci de porter à l'écran La mort à Venise de Thomas Mann, et Visconti cherche de l'Allemagne à la Finlande un corps et un visage, les plus purs et angéliques possibles, pour interpréter le rôle de Tadzio, l'adolescent tentateur et fatal du vieux compositeur von Aschenbach. Il trouvera ce qu'il cherche à Stockholm en la personne d'un jeune Suédois de 15 ans à la beauté et l'innocence de son âge, un certain Björn Andrésen, orphelin, élevé par sa grand-mère. L'histoire est en marche sous le signe d'un pacte ambigu entre un pygmalion mélancolique prisonnier d'un rêve fou de splendeur et un garçon qui n'en peut mais, bientôt prisonnier du désir qu'il suscite partout, sur le plateau du film, au Festival de Cannes ou au Japon. Visconti se confie à son ultime amant, Helmut Berger, à sa chère interprète, Maria Callas, à son ami endeuillé de son fils, Balthus. Entouré de ces crépuscules, Björn, qui lui n'a que son aube à offrir, va s'y perdre peu à peu.
Du premier roman de Guillaume Perilhou, Ils vont tuer vos fils (qui reparaît en cette rentrée chez Points), le lecteur pouvait déduire que le jeune auteur était de la famille, d'une sèche radicalité, d'un Guibert ou d'un Dustan. De celui-ci, La couronne du serpent, on découvre que le romancier a une palette plus large encore. Question de décors, de climats, d'ambiances. D'ambition romanesque, aussi. Perilhou montre, mais ne juge jamais. Il chasse les alanguissements malvenus de la psychologie pour le plaisir fiévreux, addictif, d'un puzzle romanesque qui serait aussi comme un cabinet de curiosités. Il est surtout − et ce n'était pas gagné d'avance − à la hauteur, grandiose et folle, de son sujet. Beau travail.
La couronne du serpent
Éditions de l'Observatoire
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 20 € ; 224 p
ISBN: 9791032927373