C'était il y a trente ans. Il y a longtemps, hier. Avec la parution de son premier livre, Comme tu as changé, suivi deux ans plus tard par Comme ton père, prix Renaudot (L'Olivier, 1992 et 1994), un très jeune homme encore, Guillaume Le Touze, par la force de récits d'un naturalisme efflanqué parfaitement inédits dans le paysage littéraire national, eut tôt fait d'apparaître comme la plus belle promesse dudit paysage. Seulement voilà, l'homme était trop jaloux de son indépendance et de sa liberté, de son goût pour les chemins de traverse, pour tirer quelque plaisir que ce soit de ce rôle de chef de file qu'il n'avait pas désiré. Peu à peu, Le Touze prit la tangente, ne donnant plus que parcimonieusement de ses nouvelles, d'un rare livre à l'autre. Aujourd'hui, il revient avec le bien nommé Moi en plus beau, le plus emblématique et en même temps peut-être le plus abouti de ses romans. Trente ans ont passé bien sûr, mais le temps ne fait rien à l'affaire et fussent-elles lestées d'une vraie gravité, il flotte sur ces pages un air d'immarcescible jeunesse.
Ce sera donc l'histoire de deux frères, Xavier et Benoît. Deux frères qui ont cinquante ans comme parfois les enfants peuvent les avoir : par inadvertance. Tous deux cherchent quelque chose, à se sortir d'un truc, une vérité possible. Xavier est une sorte d'archéologue du chemin de fer traquant les traces d'une civilisation ferroviaire disparue, des rails sous les herbes... Benoît, comédien, souffre depuis l'enfance de troubles autistiques et réinvente avec force et poésie une autre façon d'être au monde. Les deux s'aiment et chérissent ensemble le souvenir, les souvenirs, vieilles photos, de leur mère disparue. Il y aura également Clara, une brillante universitaire dont le sujet d'étude porte sur les écrivains qui ont cessé d'écrire. Clara qui va aimer Xavier, tandis que son frère, Henry, un psy, se vouera lui à l'adoration platonique de Benoît. Des flux d'amour incessants qui viennent baigner les personnages comme une rivière en crue sortie de son lit...
Préservons le mystère fragile de ce livre écrit à hauteur d'hommes, construit autour des traces qu'ils traquent et de celles qu'ils laissent. Il y a là une humanité douce qui fait parfois penser à celle, cousinage méridional oblige peut-être, d'un Sylvain Prudhomme. Quelque chose de rare, de fragile et d'infiniment attentif.
Moi en plus beau
Actes Sud
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 19 € ; 176 p.
ISBN: 9782330169237