L’enfant sans visage est l’histoire d’un enfant jamais né. Le quatrième roman d’Anne Révah fait revivre ce petit fantôme dans le récit d’un événement traumatisant, survenu entre avril et octobre 1997 chez un couple sans souci. Bénédicte, jeune interne en médecine, et son mari Guillaume forment avec leur petite fille de deux ans une famille heureuse, privilégiée. La jeune femme qui n’a pas envie d’un deuxième enfant tout de suite, alors qu’elle s’apprête à commencer un nouveau travail, prend conscience tardivement d’une nouvelle grossesse, accidentelle, dont elle a ignoré les signes pendant tout l’été. Fin août, déjà enceinte de cinq mois, elle réalise son déni. Jusque-là, pas de drame : le futur père, "authentiquement rempli de joie", se réjouit de cette nouvelle qui pourtant trouble sa femme. Mais les examens habituels effectués dans l’urgence se révèlent inquiétants : Bénédicte est porteuse de deux maladies, la toxoplasmose et le cytomégalovirus qui, contractées en début de grossesse, rendent très forte la probabilité de graves malformations du cerveau du fœtus. Le cas est rare, le handicap annoncé. Mais ni la gynécologue et ni l’infectiologue, qui se réfugient derrière les statistiques, ne veulent se prononcer clairement et proposer une interruption médicale de grossesse, un avortement thérapeutique. Commence alors pour le couple une autre attente, mutique et impartageable, le temps de confirmer le diagnostic, de savoir quelle décision prendre, quelle issue choisir.
Auteure de Quitter Venise en 2014 au Mercure de France, après deux romans publiés chez Arléa, Anne Révah écrit avec pudeur et précision la solitude et la culpabilité d’une femme face à une grossesse pathologique, l’impuissance du monde médical à prendre en compte cette douleur intime, cette "tristesse à l’état pur, cristalline, inouïe, presque sans tristesse". V. R.