Avant-portrait

Son regard est aussi bleu que ses idées sont claires. Surtout quand il s’agit de faire le tri des nouveaux produits sur le marché cognitif. Gérald Bronner ne s’encombre pas de mots confus. C’est d’ailleurs ce qui a séduit chez ce jeune sociologue qui rompt volontiers le consensus et le politiquement correct avec le sourire. A la terrasse d’un café parisien, il prend plaisir à en dire un peu sur lui-même et surtout à livrer le fond de sa pensée à l’occasion de la parution de La planète des hommes - son onzième livre - clin d’œil au film La planète des singes qui envisageait l’homme comme le responsable de sa destruction.

Tout est résumé dans le sous-titre qui propose un récit alternatif : réenchanter le risque. Derrière le principe de responsabilité défini par le philosophe allemand Hans Jonas, il voit poindre toutes les mesures de précaution qui contraignent l’existence en la vidant de toute saveur et en lui imposant l’immobilisme. "Je ne dis pas que nous vivons dans le meilleur des mondes, mais il faut se rendre à l’évidence, nous vivons bien mieux et plus longtemps que nos parents. Nous devons en finir avec l’anthropophobie et la tyrannie bienveillante."

Sortir de la morosité

Gérald Bronner se dit écologiste, mais il refuse cette autodétestation de l’homme occidental et cette idéologie de la peur qui transforme l’être humain en hypocondriaque permanent à la recherche du moindre signe d’apocalypse. De même, il fustige les apôtres de la décroissance qui aspirent à un monde dans lequel il ne voudrait pas vivre et qu’il ne voudrait pas léguer à sa fille. "Nous avons remplacé le récit du progrès par celui d’un destin collectif désespérant."

Lorsqu’il a soutenu sa thèse, il y a vingt ans, les croyances collectives, les erreurs de raisonnement et leurs conséquences sociales n’étaient pas des sujets en devenir. A l’heure d’Internet, c’est devenu un phénomène majeur. Dans La démocratie des crédules (Puf, 2013), il a montré les circuits des rumeurs les plus absurdes et surtout comment un petit groupe minoritaire finit par distiller ses fantasmes au plus grand nombre.

"On peut croire des choses folles sans être fou et on peut avoir des raisons de croire sans avoir raison." Ce sont ces mécanismes de la croyance qui fascinent cet universitaire nomade, passé par Grenoble, Nancy, Strasbourg et Paris, qui voudrait bien voir nos sociétés sortir de la morosité. "A force de ne penser qu’au pire, on finit même par ne plus risquer de vivre. Certaines idées sont toxiques et le principe de précaution est un venin. Rien n’est plus risqué que de ne pas prendre de risque." Laurent Lemire

Gérald Bronner, La planète des hommes. Réenchanter le risque, Puf. Prix : 14 euros, 150 p. ISBN : 978-2-13-063168-2. Sortie : 24 septembre.

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