Après être passée chez Gallimard, au Seuil, chez Walt Disney Company et chez Hachette, Gabriela Kaufman a créé en janvier Story Watch, société de conseil et scout littéraire auprès de producteurs audiovisuels, notamment Capa Drama. Dans un marché audiovisuel de plus en plus concurrentiel, elle croit à la nécessité de faire le lien entre l’imposante production littéraire et la demande croissante en adaptations.
Gabriela Kaufman - C’est un aboutissement logique pour moi. Je suis passée par presque tous les secteurs de l’édition et par Disney, où je dirigeais le département "publishing". Finalement, dans tous les cas, il s’agit toujours de contenus, de faire le pont entre le livre et la production audiovisuelle. Avant même de lancer Story Watch, je faisais de la veille internationale, et finalement du scouting. J’ai créé cette structure parce que je voulais renouer avec le monde de l’audiovisuel tout en profitant de mes acquis et de mes réseaux dans l’édition.
Là-bas, il y a des scouts qui ne travaillent que pour des studios américains, parfois en interne. Il y a une habitude plus forte pour prendre des options sur des livres. Je travaille déjà avec des manuscrits anglo-saxons, même non corrigés, qui seront publiés l’année prochaine. En France, on n’en est pas là. On reçoit les manuscrits quelques mois avant et les producteurs lisent quelques livres parmi de multiples scénarios. Aucun producteur n’a le temps de regarder toute la production littéraire française et internationale.
Tous les agents, les responsables des cessions de droits ou les ayants droit ont l’habitude de travailler avec des scouts littéraires. Nous travaillons de la même façon et nous avons la même approche. Par rapport à tous ces événements très importants comme Shoot the book ! ou Séries Mania, ou même les foires de Londres ou de Francfort, la différence se situe à la fois dans le temps - ce sont des manifestations ponctuelles - et dans la quantité, car on est très loin de voir le potentiel immense de l’édition, puisque l’éditeur ou l’agent présélectionne seulement quelques titres. Mon métier, c’est de lire les livres mais aussi de repérer l’œuvre qui peut être adaptée en fonction des besoins de mes clients qui sont les producteurs. Je collabore avec eux en exclusivité. Un livre qui ne correspond pas aux attentes d’un de mes clients ne m’intéresse pas. Cela nécessite que je sois en contact permanent avec les éditeurs et que ceux-ci, y compris outre-Atlantique, pensent à moi.
Tout à fait. Quand je lis un manuscrit ou un synopsis, je ne me dis plus "Est-ce que ça peut être un bon livre ?" mais "Est-ce que ça peut faire un bon scénario ou une bonne série ?". Pour une série, il faut des éléments forts qui s’enclenchent, un rythme, des intrigues secondaires, des personnalités, une richesse narrative qui tienne sur la longueur. Là aussi, les Anglo-Saxons ont moins de complexes à faire de la littérature "divertissante". Mais si l’histoire est là, même si on l’adapte très librement, dès qu’un univers est posé, le producteur gagne un temps fou. Bien sûr, il y a des contraintes, comme la violence ou le sexe, et des questions de moyens : Game of thrones est impensable pour le marché français. Mais, selon moi, le plus important, c’est de flairer les tendances de demain, de ne pas répondre seulement à l’air du temps, de repérer le genre de récits qui plaira au public dans les prochaines années.