Petit bout de femme au regard farouche, unique sourcil barrant son front, couronne de cheveux tressés, piqués de fleurs, en robe, corsetée, sans sourire, ainsi se figure-t-elle dans ses propres tableaux. Encore et encore, répétant son image à l'envi, jusqu'à la folie. L'art de la Mexicaine Frida Kahlo est un art de l'autoportrait. Mais dans le noir de la pupille brille une autre obsession. Jeu de miroirs. On a l'impression qu'elle épie, observe si elle est observée. La regarde-t-il, lui ? L'homme qui « ravit le sexe faible en magnétiseur, déchaînant tombées de pudeur, épanouissement de poitrine et instinct primitif de possession ».
Géant de la peinture mexicaine, l'un des chefs de file des muralistes, figure de la révolution, « connu jusqu'en Europe, totem fabuleux qui a deux fois son âge et dix vies d'avance sur elle », Diego Rivera l'épousera. La jeune métisse de Coyoacán est subjuguée. L'homme est gros et laid, mais agile, et domine, Diego sera son « crapaud insatiable ». Ils font l'amour, il remarque qu'elle est toute couturée. D'où viennent ces cicatrices ? Elle raconte. Il y a deux ans avec son fiancé d'alors, un tramway percute un bus, elle était dans le bus... Le nouveau roman de Claire Berest, Rien n'est noir, retrace le parcours de Frida Kahlo au prisme de l'autre champion de l'art mexicain Diego Rivera, puisant dans les écrits des deux peintres.
Marilyn Monroe, Frida Kahlo ou autres célébrités auxquelles on a consacré des biopics...Prendre une icône pour sujet est toujours un risque, une icône ne s'appartient pas à soi-même. Elle est pour tous et par tous, elle devient générique, et il semble ardu de se l'approprier. Pourtant, de ce fait, chacun peut y projeter ses propres fantasmes. Si dans le regard de Frida brûle son amour jaloux pour l'infidèle Diego, dans cette vie de Kahlo par Claire Berest chatoient les couleurs vivaces du portrait d'une passion, delapassion. Les chapitres sont intitulés selon la palette des humeurs et des époques : « Bleu outremer », « Rouge sang », « Jaune éclipse »...Ce qui intéresse l'auteure deL'orchestre vide(Léo Scheer, 2012) est certes de peindre la fresque d'un corps brisé et d'une âme en flammes, mais surtout de s'interroger, s'émerveiller des ressorts mêmes d'un tel désir de fusion. Frida dans son journal : « Diego mon enfant [...] Diego mon amant Diego mon mari Diego ma mère Diego mon père Diego mon fils Diego = moi = Diego l'univers. »
Rien n’est noir
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Tirage: 12 000 ex.
Prix: 19,50 euros ; 280 p.
ISBN: 9782234086180