Entretien

Frédéric Beigbeder : « Je ne vais encore me faire que des ennemis ! »

Frédéric Beigbeder au Livre sur la place à Nancy en septembre 2023 - Photo Sebastien Di Silvestro / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Frédéric Beigbeder : « Je ne vais encore me faire que des ennemis ! »

Six mois à peine après ses Confessions d'un hétérosexuel légèrement dépassé (Albin Michel), Frédéric Beigbeder revient en librairie jeudi 28 septembre avec un Dictionnaire amoureux des écrivains français d'aujourd'hui (Plon), et répond pour l'occasion aux questions de Livres Hebdo. 

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Par Jean-Claude Perrier, Jacques Braunstein
Créé le 25.09.2023 à 17h27 ,
Mis à jour le 26.09.2023 à 12h38

Alors que son précédent opus, Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé, paru en avril chez Albin Michel, figure toujours dans les meilleures ventes en librairies, Frédéric Beigbeder, le trublion des lettres françaises, écrivain volontiers provocateur et critique littéraire depuis plus de trente ans, a décidé de sortir son Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui (Plon), un gros pavé où, en 281 notices, il dresse un panorama de la création romanesque actuelle, éclectique et raisonné, presque pédagogique, et fier : la littérature française, selon notre homme, n’a rien à envier à l’américaine, bien au contraire ! De passage à Paris, le Basque d’adoption a répondu aux questions de Livres Hebdo.

Livres Hebdo : Les entrées de ce Dictionnaire, qui court d’Éliette Abécassis à Alice Zeniter, proviennent-elles de vos articles, « recyclés » pour l’occasion ?

Frédéric Beigbeder : À 20 % oui. Pour les 80 % restants, non, ce sont de mini-études sur un auteur, dont j’essaie de prendre en compte toute l’œuvre. Il m’a fallu beaucoup travailler, lire ou relire. J’ai mis deux ans à l’écrire, mais ce livre est le fruit de mes trente-cinq ans de critique littéraire.

On y trouve beaucoup de titres d’ouvrages, de citations, de classifications par écoles littéraires. C’est un ouvrage sérieux, presque pédagogique ?

Je suis un besogneux qui fait semblant d’être un dilettante, un glandeur…

Vous-même ne vous êtes pas mis dans votre Dictionnaire ?

Non, mais si quelqu’un en faisait un autre, plus tard, j’aimerais bien y être, et être traité comme les auteurs dans le mien. Avec un esprit positif, puisqu’il s’agit d’un Dictionnaire amoureux, même si j’y exprime mes goûts de manière assez limpide. La question fondamentale, à propos de tout écrivain, est celle que posait Baudelaire : « Qu’est-il venu dire en ce monde ? »

Votre pavé comporte 281 noms. Pourquoi ?

C’est de loin mon plus gros livre ! J’avais décidé qu’il n’y aurait que des romanciers, et vivants. Et dressé une liste de 287 noms. Hélas, alors que mes notices étaient déjà rédigées, puisque je les ai toutes écrites dans l’ordre, à raison de deux par jour, Linda Lê, Michel Schneider, Christian Bobin, Christian Giudicelli, Milan Kundera, Philippe Sollers sont morts. J’ai hésité à les garder, mais il fallait être cohérent, alors j’y ai renoncé.

L’ordre alphabétique réserve quelques jolies rencontres : ainsi Franz-Olivier Giesbert se trouve à côté de Sylvie Germain, et Éric Neuhoff avant Marie Nimier, fille de Roger… l’idole de Neuhoff.

Quels sont les axes de force de votre ouvrage ?

Je voudrais qu’il soit considéré comme le guide Michelin de la littérature, réactualisé chaque année ! Les noms des romanciers y sont assortis d’un émoji par catégories (autoréalité, nouveaux hussards, satiristes, etc.), et chacun peut se trouver dans plusieurs. Le fait de les classer permet de faire le point sur notre littérature : sans conteste redevenue la meilleure au monde, depuis une vingtaine d’années, bien plus intéressante que l’américaine. Nous avons une diversité de genres exceptionnelle, et sommes le seul pays au monde à compter quatre Prix Nobel vivants… Je suis fier d’appartenir à ce pays et à cette littérature.

Avez-vous respecté la parité hommes-femmes ?

Je n’y ai même pas songé. Je n’ai pas compté.

À quelles réactions vous attendez-vous ?

Tous ceux qui n’y sont pas vont être furieux. Ceux qui y sont aussi, parce qu’ils se sentiront mal traités ! Bref, je ne vais me faire que des ennemis, et ne pourrai plus mettre les pieds à la Foire de Brive !

 

Frédéric Beigbeder, Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui, Plon, 610 p., 29 €, mise en vente le 28 septembre.

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