Entretien

Françoise Chandernagor : « Au fond, je suis une rurale, une sédentaire »

Françoise Chandernagor publie le 25 avril son nouveau roman L'or des rivières, aux éditions Gallimard - Photo Francesca Mantovani

Françoise Chandernagor : « Au fond, je suis une rurale, une sédentaire »

Françoise Chandernagor publie le 25 avril le récit autobiographique et romanesque L’or des rivières (Gallimard), dans lequel elle explore ses racines familiales.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 24.04.2024 à 13h04

Pour des raisons professionnelles, en tant que haut fonctionnaire, ou littéraires, académicienne Goncourt depuis 1995, Françoise Chandernagor a beaucoup voyagé. Elle a beaucoup écrit, près d’une vingtaine de livres, principalement des romans. Historiques, comme L’allée du roi, son best-seller culte, paru en 1981 chez Julliard. Ou contemporains, comme la trilogie Leçons de ténèbres (de Fallois 1988-1990), qui se passe dans les années 70 dans le milieu politique, et va bientôt être rééditée chez Gallimard. Aujourd’hui, pour ménager à la fois sa santé et l’état de la planète, elle voyage moins, savourant sa maison du nord de la Creuse, où sont ses racines familiales. Elle leur consacre L’or des rivières, un récit autobiographique romanesque, sensible et écologiste.

 

Livres Hebdo : Vous revenez juste de chez vous, dans la Haute-Marche, dans le nord de la Creuse ?

Françoise Chandernagor : Oui, et non sans inquiétude. « Auprès de mon arbre, je vivais heureu(-se) / J’aurais jamais dû m’éloigner d’mon arbre », chantait le cher Georges Brassens. J’avais un cèdre bicentenaire de 50 mètres de haut. Il est mort en trois semaines, desséché, à cause du stress hydrique de l’année dernière, conséquence directe du réchauffement climatique. Et bien d’autres arbres sont menacés. Quoique enclavée, avec un climat continental plutôt froid, la Creuse est l’une des premières victimes du réchauffement.

Vous suivez cela de très près, et semblez vous y connaître en jardins.

Au fond, je suis une rurale, une sédentaire. Et si je ne suis pas née dans la Creuse, mais à Palaiseau, où mon grand-père maternel, maçon creusois, avait construit de ses mains la maison familiale biscornue, mes racines viennent de là, et aussi, du côté paternel, de la Vienne. Et, plus loin, de l’Inde, du Bengale.

« Mon père André, un pur produit de la méritocratie républicaine »

Le personnage principal de L’or des rivières, c’est justement votre grand-père maternel ?

Oui, c’est lui qui nous a élevés, mon frère, ma sœur et moi. Mon père André, un pur produit de la méritocratie républicaine, major de l’ENA, conseiller d’État puis homme politique (il sera ministre de François Mitterrand, délégué aux Affaires européennes, de 1981 à 1983), a été élu député SFIO de la Creuse pour la première fois quand j’avais treize ans, en 1958. On ne l’a pas beaucoup vu par la suite !

Dans votre livre, vous parlez aussi de ses lointaines origines indiennes ?

Mon père, quarteron au physique assez « asiatique » quand il était jeune, est le descendant de Charles-François Chandernagor-Bengale, un esclave bengali adopté par la famille du maréchal de Bussy, affranchi et alphabétisé, ce qui n’était pas le cas de ma famille creusoise, où tout le monde était illettré. Mon père est allé plusieurs fois en Inde, à Chandernagor, moi jamais, hélas…

« J’ai toujours voulu écrire sur la Creuse »

La Creuse, vue de Paris, c’est un monde un peu mystérieux…

Tout à fait. Nous sommes très mal desservis par le train. On met aujourd’hui, pour faire Paris-Limoges, une demi-heure de plus que dans les années 70. Et puis il y a cette fameuse La Souterraine, dont le nom inquiète. La ville possède une superbe église du XIIIe siècle, construite au-dessus d’une autre église du IXe siècle, elle-même bâtie sur un temple romain, lequel recouvrit un temple celte. C’est cet ensemble de cryptes qui lui a valu son nom.

Pourquoi ce livre, aujourd’hui ?

J’ai toujours voulu écrire sur la Creuse. J’avais tant d’histoires à raconter. J’aurais pu en faire un roman. Mais je voulais avant tout parler de ce pays, de son mode de vie, des gens, du patois, et montrer leur évolution, dans le domaine agricole, climatique, écologique. Je connais tout ça assez bien. Je suis complètement creusoise.

Vos prochains projets, un roman ?

Je dois d’abord écrire une préface pour la réédition de Leçons de ténèbres, intégrant ce qui s’est passé dans le monde depuis les années 70. Par exemple la chute du Mur de Berlin, que je n’avais absolument pas vue venir. Cela dit, les Russes, dans le fond, n’ont pas changé…

 

Françoise Chandernagor, L’or des rivières, Gallimard, 300 p., 21 E, mise en vente le 25 avril 2024.

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