"Appelez la police, commandez une pizza, voyez laquelle arrive en premier." Par cette boutade, les Américains traduisent leur mécontentement à l’égard des forces de l’ordre. Et ce mécontentement est encore plus grand quand elles arrivent avant la pizza, mais que vous êtes noir… Ce que l’on traduit chez nous par le terme de bavure - "t’aurais vu la gueule de la bavure", disait Coluche - relève quasiment de l’exécution outre-Atlantique.
Pour comprendre comment fonctionnent ces polices américaines, Didier Combeau propose un livre remarquable de clarté, car il explique comme dans un "Que sais-je?" et illustre comme dans un documentaire. En la matière le "s" est essentiel. Car depuis les origines, il n’y a pas une, mais des polices américaines, y compris les officines privées comme la fameuse agence Pinkerton.
"Les polices américaines, synthèses hétéroclites du guet colonial, des comités de vigilance de l’Ouest, des patrouilles esclavagistes du Sud, ont surtout, au moins dans leur configuration urbaine, été inspirées de la police londonienne de Robert Peel, elle-même conçue dans un esprit diagonalement opposé à la centralisation des forces de l’ordre françaises." Pas étonnant d’ailleurs que ce soit un petit-neveu de Napoléon, Charles Joseph Bonaparte, qui soit à l’origine du FBI en 1908.
En revenant sur de nombreuses affaires, dont certaines furent très médiatisées comme des exemples de violences policières à Ferguson ou à Charlotte, Didier Combeau immerge son lecteur dans un univers qui va du western à l’inspecteur Harry, en passant par la corruption avec Frank Serpico. Mais ce chercheur au Centre d’études urbaines dans le monde anglophone (Ceuma, Paris-4 Sorbonne) explique aussi le droit - essentiellement la Constitution américaine - qui régit ces polices tout en respectant - pas toujours à la lettre - la liberté des individus.
Ce politologue, auteur d’une thèse remarquée - Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux Etats-Unis (Belin, 2007) -, rappelle aussi le rôle dévastateur des armes à feu dans cette société à fleur de colt. La réconciliation des Américains avec leurs polices n’est pas encore en vue. Et les récentes déclarations de Donald Trump ne sont pas faites pour calmer les esprits. L. L.