FIBD 2025

FIBD 2025 : une édition à succès malgré la polémique

La dédicace est tout un sport. Il faut d'abord être tiré au sort puis attendre son tour. Cela laisse le temps de lire la BD. - Photo Olivier Dion

FIBD 2025 : une édition à succès malgré la polémique

Malgré la polémique autour de l’organisation du FIBD, la 52ᵉ édition de la grand-messe annuelle de la bande dessinée s’est terminée, dimanche 2 février, sur une note positive, couronnée par le succès populaire de la manifestation.

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Par Elodie Carreira, Antoine Masset, Adèle Buijtenhuijs
Créé le 02.02.2025 à 22h08

Grand habitué des polémiques, le festival d’Angoulême y aura de nouveau eu droit pour sa 52ᵉ édition. À quelques jours de son inauguration, la manifestation s’est retrouvée au cœur d’une enquête publiée dans L’Humanité Magazine qui mettait en cause la gestion de l’événement par la société 9ᵉ Art+, dirigée par Franck Bondoux, et révélait le licenciement d’une salariée victime de viol. Si les révélations ont enflé sur les réseaux sociaux, suscitant la défiance des acteurs du milieu, l’engouement du public pour la manifestation a été, quant à lui, largement préservé.

Le contraste s'est ainsi avéré saisissant entre l'abondance des réactions en ligne, sans oublier celle du ministère de la Culture qui a indiqué à l’AFP s’inquiéter des « dysfonctionnements » au sein du FIBD, et le relatif silence des éditeurs présents dans les allées du festival où les langues ont globalement peiné à se délier. « Oui, ça plombe l’ambiance en interne, mais ça ne touche pas vraiment le public », nous a confié, sur place, un commissaire d’exposition.

Si le maire d'Angoulême Xavier Bonnefond a seulement concédé lors de la conférence de presse de fermeture qu'il fallait faire évoluer le contrat signé en 2007 avec 9e Art+ et repenser à la structuration du festival tout en capitalisant sur sa réussite, il n'a pas formellement remis en cause la relation avec 9e Art+.

« Angoulême est tout de même la grand-messe de la bande dessinée »

« Tout est verrouillé. Ceux qui sont encore dans l’association du festival ne veulent pas faire de vague et si Delphine Groux (présidente de l'association du festival d'Angoulême, ndlr) ne met pas le holà, la société 9ᵉ Art + va réembrayer pour dix ans avec Johanna, la fille de Franck Bondoux », a observé une attachée de presse. « Cela fait plusieurs années que les éditeurs indépendants sont écartés de la programmation. Les directeurs artistiques font du mieux qu’ils peuvent, mais ils sont pieds et poings liés par une organisation qui souhaite remettre le divertissement au cœur du festival, au détriment de la création », a détaillé un éditeur indépendant.

Chloé on te croit
Sur beaucoup de stands des éditeurs indépendants on pouvait lire "Chloé on te croit"- Photo OLIVIER DION

« Bien sûr, les éditeurs se sont plaints plus d’une fois, mais c’est toujours compliqué. Angoulême est tout de même la grand-messe de la bande dessinée », nous a confié une autre source. Au cœur d’une atmosphère crispée, certains ont tout de même tenu à réagir. Parmi eux, les éditeurs BD du Syndicat national de l’édition (SNE) et du Syndicat des éditeurs alternatifs, qui ont tous deux appelé dans des communiqués au renouvellement de la tête dirigeante de l’organisation, à l’échéance du contrat de 9ᵉ Art+.

Une poignée d’actions contestataires

Mais aussi plusieurs stands de la bulle des indépendants, qui ont illustré leur soutien à la personne victime de violences sexuelles avec des affiches siglées du message « Chloé, on te croit ». Sommés, par le syndicat mixte de la filière image en Charente, de retirer les affiches, ces derniers ont refusé de céder à la pression, distribuant encore davantage de flyers.  

Ce même jour, le traditionnel « carnaval des luttes » a également fait part de sa colère, bravant l’interdiction préfectorale en vigueur. Environ 500 jeunes ont ainsi répondu à l’appel du collectif « Écoles d’art en danger », manifestant d’abord contre les coupes budgétaires prévues pour la culture et contre la précarité des acteurs du milieu. Au cours de la déambulation du cortège, la façade d'un restaurant Quick, nouveau sponsor décrié du FIBD, a été généreusement recouverte de peinture noire.

Un public épargné par la polémique

Hormis ces actions isolées, une ambiance crispée et quelques discrètes interpellations lors de la cérémonie de remise des prix, l’ensemble de la manifestation s’est déroulée, globalement, sous de bons auspices. Malgré une hausse majeure des billets pour accéder à la manifestation, le public était, encore une fois au rendez-vous, d’après l’organisation, qui a fait état, lors de la conférence de clôture, d’une augmentation de 15 à 20 % de la fréquentation par rapport à 2024.

Le nouveau saloon de Lucky Luke
Le nouveau saloon de Lucky Luke vire au dark.- Photo OLIVIER DION

« Tous les éditeurs de mangas, petits comme grands, sont satisfaits de leur chiffre d’affaires et de la fréquentation », nous a signalé Fausto Fasulo, directeur artistique de la programmation asiatique du festival, après avoir échangé avec un certain nombre de professionnels. Interrogé sur la polémique, celui-ci dit n’avoir ressenti « aucune conséquence sur le grand public » et assure que « la vie de l’équipe n’a pas été bousculée par l’article », faisant même état d’une « ambiance très bonne », et d’un « véritable esprit de cohésion ».

Un succès populaire et éditorial

L’enthousiasme du public s’est d’ailleurs particulièrement illustré lors des interminables files d’attente pour les dédicaces, assurant aux éditeurs de belles retombées. « Nous avons fait + 25 % de chiffre d’affaires par rapport à l’année dernière », s’est réjoui Olivier Sulpice, patron des éditions Bamboo, auprès de Livres Hebdo.

FIBD 2025 Manga City
Le public a répondu présent au Quartier Manga City, à Angoulême.- Photo ANTOINE MASSET

« Nous avons bénéficié d’un beau partenariat avec Cosmopolite et le centre commercial du Champ de Mars. C’est un espace en accès libre et gratuit pour le public, et qui correspond à nos valeurs », poursuit l’éditeur, qui confie s’être éloigné de l’organisation du FIBD depuis une dizaine d’années. Galvanisé par le lancement des 50 ans du magazine Fluide Glacial, et l’obtention du prix des Ecoles pour la série Léonarde, le groupe a également bénéficié du succès de l’exposition « Marcel Pagnol et la guerre » au Musée de la Résistance, et de ses albums, dont Les Mémés, Les Sisters, Fesses à Bardot ou encore Le Grimoire d’Elfie.

Si les éditions Dupuis observent « un panier moyen un petit peu moins élevé », celles-ci se réjouissent néanmoins de l’accueil du public pour leur collection « Les Ondes Marcinelle », sur leur nouveau stand au « Nouveau Monde ». « Ça a été une année intéressante pour nous, puisque nous nous sommes davantage étendus sur les différents lieux du festival », précise Chloé Delville, responsable événementiel, évoquant également le « succès fou de la lecture avec Gaël Faye, Samuel Kamanzi et Sylvain Savoia ».

Des chiffres d’affaires revus à la hausse

Même son de cloche du côté des éditions Dargaud, qui ont enregistré une hausse de 10 % en valeur et de 5 % en volume par rapport à 2024. « On est sur un bon cru en termes de ventes. Globalement, c’est une bonne édition avec, de surcroît, une météo clémente. Il y avait beaucoup de monde dans les Bulles, dans les expositions et au Mangacity », a témoigné Stéphane Aznar, directeur général de Dargaud, ajoutant que les rencontres et conférences avec leurs auteurs étaient « toutes très pleines ».

Le public du festival
Un public nombreux et hétéroclite déambule entre deux bulles dans la cité de la BD - Photo OLIVIER DION

Quant au contexte général de la manifestation, l’éditeur, aussi membre du SNE, a dit se réjouir « que le contrat de 9ᵉ Art+ soit remis en cause », ajoutant que s’il n’était pas question de « critiquer le travail d’internationalisation et d’anoblissement de la BD qui a été fait par la société, il y a néanmoins un certain nombre de dysfonctionnements qui, en tant qu’éditeurs, ne nous conviennent pas ».

« Une belle année »

Récompensé par trois prix – celui du pass Culture/Canal BD, le René Goscinny du meilleur scénario pour Les navigateurs ainsi que le Fauve spécial du jury pour Les Météores -, le groupe Delcourt signale une « très belle année », avec « une tendance de fin de salon à +20 % par rapport à l’an dernie». Même succès pour les éditions Glénat (+15 % du chiffre d’affaires), qui ont remporté le prix Konishi pour Les saisons d’Ohgishima de Kan Takahama, traduit par Yohan Leclerc, et se sont grandement fait remarquer avec le puissant roman graphique Sibylline de la jeune illustratrice Sixtine Dano, quotidiennement victime de son succès durant ces quatre jours de festival.

Couronnées du prestigieux Fauve d’or, attribué à Luz pour Deux filles nues, les éditions Albin Michel ont, quant à elles, fait part d’une « édition d’exception ». « Une immense joie règne au sein de la maison », s’est réjouie Marion Jablonski, directrice des départements BD et jeunesse de la maison, qui a également souligné l’importante séance de dédicaces réalisée par Benjamin Lacombe, boosté par l’exposition « La BD règle ses contes ». « Nous avons enregistré un chiffre d’affaires d’environ +30 %, soit nettement au-dessus de l’an passé », a-t-elle fait savoir, rappelant le nombre modeste d’albums BD au catalogue de la maison.

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