Face à l’après-Charlie

Olivier Dion

Face à l’après-Charlie

Désemparés après les attentats de janvier, les bibliothécaires tentent de réfléchir à la meilleure façon d’aborder les thèmes de la liberté d’expression et du vivre-ensemble dans leurs établissements. Un défi qui interroge plus largement leur fonction dans la société.

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Par Emmanuelle Bour
avec Créé le 08.06.2015 à 15h32

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?" Cinq mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le titre de la journée d’étude organisée par l’Association des bibliothécaires de France (ABF) le 21 mai à la médiathèque Françoise-Sagan, à Paris, précédant de plus de trois semaines le module sur le même thème du congrès de Strasbourg, résume l’incertitude des bibliothécaires quant à leur rôle dans la société. "Nous ne voulions pas être dans l’émotionnel et nous précipiter pour faire quelque chose, comme s’il fallait alimenter le buzz. L’idée est de prendre du recul, pour aboutir à une action concrète. Mais nous voulons aussi montrer que nous n’avons pas oublié ce qui s’est passé", explique Anne Verneuil, présidente de l’ABF, par ailleurs directrice de la médiathèque d’Anzin, dans le Nord.

Solidarité

En janvier 2015, de nombreux établissements dans toute la France ont spontanément affiché leur solidarité et leur émotion, d’abord avec la célèbre affichette "Je suis Charlie", puis en exposant des unes de l’hebdomadaire satirique. D’autres actions plus frappantes ont été menées, comme celle, particulièrement remarquée et saluée, de la médiathèque départementale Pierres vives à Montpellier : six semaines après les événements de janvier, une journée "Médiathèque sans liberté d’expression" était expérimentée, avec des documents retirés ou bâchés, l’accès à Internet coupé et un seul jeu vidéo en fonctionnement.

"Les attentats ont eu des conséquences directes pour notre métier qui veut transmettre une culture. Ça a eu un sens pour nous tous", explique Philippe Charrier, directeur de la médiathèque André-Malraux de Strasbourg. En témoignent les journées d’étude qui se multiplient à Villeurbanne, au Havre, à Reims, de juin à l’automne prochain.

Maturation

"Il ne faut pas s’attendre à un résultat spectaculaire, mais plutôt à une maturation profonde. Les thèmes soulevés par les attentats de janvier, à savoir le pluralisme et le vivre-ensemble, sont des sujets à long terme pour les bibliothèques", précise Dominique Lahary, ancien directeur de la bibliothèque de prêt du Val-d’Oise et fondateur d’un blog sur la profession. De fait, après l’émotion de janvier, le mot qui revient le plus dans la bouche des bibliothécaires est "désemparé". "Nous avons comme un grand moment de solitude, mais comme beaucoup de citoyens à ce moment-là", avoue Hélène Beunon, présidente du groupe Ile-de-France de l’ABF et directrice de la bibliothèque de Conflans-Sainte-Honorine. Et de défendre les journées d’étude qui, comme celle organisée à Paris le 21 mai, mélangent théorie et ateliers pratiques. "Il n’y a pas eu d’avancées concrètes, c’est justement pour ça qu’il faut réfléchir à plusieurs", assure-t-elle.

Dans sa bibliothèque, Hélène Beunon a dû faire face à des "dialogues musclés" sur la question de Charlie Hebdo. Pas tant avec les usagers - le public qui fréquente les bibliothèques étant en général plutôt curieux sur l’hebdomadaire satirique - qu’avec les membres de l’équipe. Un autre sujet à aborder lors de journées d’étude. E. B.

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