Pour un premier roman, c’est un coup de maître. Mettant à profit sa connaissance de l’histoire contemporaine (le livre se situe en 2005, mais l’intrigue principale remonte à 1973 et au Chili de Pinochet) et sa pratique des arcanes du Quai d’Orsay, Renaud S. Lyautey, pseudonyme transparent de notre ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Mascate, capitale du sultanat d’Oman, a bâti un suspense géopolitique passionnant, un jeu de chausse-trappes et de fausses pistes riche en rebondissements, où les gentils et les méchants ne sont pas forcément ceux que l’on imagine, le tout mené tambour battant par un limier attachant, secondé par des amis efficaces. Sans parler de l’humour taquin, Son Excellence croquant joyeusement son milieu, voire certains de ses collègues. Mais bien sûr, tout cela n’est que fiction pure.
René Turpin est le héros improbable des Saisons inversées. Un diplomate obscur, divorcé, méprisé et tyrannisé par sa mère, vaguement chargé de mission au Quai d’Orsay, après des postes sans gloire. Mais c’est un type honnête, sérieux, intègre, et qui s’avérera à la fois tenace et courageux. C’est pourquoi Mazières, le tout-puissant Secrétaire général, lui confie l’enquête interne et discrète sur l’assassinat de Pierre Messand, un ponte, lui, retrouvé égorgé chez lui, comme autrefois son ami Chapour Bakhtiar, en 1991. Messand avait été en poste à Téhéran, avait adoré l’Iran, s’était plus ou moins converti à l’islam de l’école Cheykhi, et était marié à une Iranienne. Les mollahs l’auraient-ils fait assassiner? Mais pourquoi et pourquoi si longtemps après? Dans son "équipe", Turpin peut compter sur Bertrand Alvarez, un super-flic de la DST, chargé du dossier, ainsi que sur son collègue Jean-Baptiste Bruxel, qui vient d’arriver au Quai, un jeune, beau - et gay - Secrétaire d’Orient, chargé du dossier France-Israël. Quant au fin mot de l’histoire, ils le trouveront plutôt à Santiago qu’à Téhéran. On n’en dira pas plus.
Le style est élégant, la documentation jamais pesante, et fascinante cette plongée dans les coulisses du monde diplomatique. On subodore que René, Jean-Baptiste et Bertrand, trio inédit, pourraient bien vivre d’autres aventures. J.-C. P.