Au début, le narrateur, l’écrivain René Frégni, ancien infirmier psychiatrique, longtemps animateur d’ateliers d’écriture à la prison des Baumettes, à Marseille, coule des jours tranquilles à Vinon, dans la maison de son amie de cœur, Isabelle, institutrice pour les tout-petits. Une femme lumineuse, discrète, qui ne pose pas de questions, respecte le goût de son compagnon pour la solitude, les balades en forêt, le silence. René est un taiseux dont la vie n’a pas toujours été simple, un cabossé par le monde alentour, qui s’est réfugié dans l’écriture. "J’observe les hommes, je fréquente les arbres", dit-il. Comme tout ça se passe près de Manosque, où il habite, on se croirait dans un remake de Giono. Notre homme commence à tenir un journal, à partir du 1er janvier 2016, sur un cahier rouge qu’on lui a offert. Un exercice tranquille, qui devrait le mener sans encombre jusqu’au 31 décembre.
Oui mais voilà, dès le 22 janvier, un événement va mettre de l’animation dans cette histoire, transformer les Bucoliques en roman policier. René reçoit un coup de fil d’un certain Kader, braqueur, assassin multirécidiviste, spécialiste des évasions culottées, qui a passé la moitié de ses 45 ans en prison. Aux Baumettes, surtout, où il a suivi les ateliers - sans écrire : il en est incapable, pas comme son cousin Djamel, dit "le Professeur", un intello, et un malfrat aussi. Une sorte d’amitié était née, Frégni compatissant au sort des voyous. "On vous dit que les prisons sont pleines de salafistes. Elles sont pleines de misère, pleines de haine", explique Kader, qui s’est échappé une nouvelle fois et demande son aide à l’écrivain. Ce dernier accepte, le cache chez lui, l’aide à avoir de faux papiers pour qu’il parte au plus vite. Tout ça sans rien dire à Isabelle, laquelle se rend bien compte que quelque chose cloche. Et puis, le 2 février, tout bascule : Kader, retrouvé par un ancien complice à qui il a piqué un joli butin en bijoux, tue celui-ci avec l’aide involontaire de son hôte. Ils vont même enterrer le corps ensemble. Tandis que Kader continue sa dérive, pour René rien ne sera plus comme avant.
On préservera bien sûr le suspense de cette espèce de polar social plein de bons sentiments, dont on espère qu’il s’agit bien d’une fiction, même auto. J.-C. P.