La gloire littéraire, l’œuvre que l’on édifie pour l’éternité, la vie mondaine des lettres, tout cela est bien loin de Patrick Da Silva. Quant à la posture d’auteur, très peu pour lui… Dans les rares entretiens qu’il a accordés, il préfère renvoyer à ses livres plutôt que bavarder sur la question de savoir comment il les écrit.
Installé depuis toujours dans son Massif central natal, l’animal n’est "joignable ni par téléphone ni par courriel, du mercredi matin au vendredi en début de soirée". Il a mieux à faire. On le suppose en train de soigner ses "bêtes", ses yaks, ses moutons, son ânesse et quelques chats. Patrick Da Silva est un homme de la campagne. Il vit dans une petite maison qu’il a bâtie "à sa main" à la sortie d’un hameau du Puy-de-Dôme, en bordure de rivière. Prairie, verger et bêtes autour. Pour lui, écrivain n’est pas un métier - des métiers, des vrais, il en a exercé plus d’un, dont documentaliste et boulanger. Il écrit pourtant, depuis vingt-cinq ans.
Dans Du dimanche, un texte publié en 2016 par l’éditeur auvergnat La Clavière, il ouvre quelques pistes, entre autoportrait et profession de foi. "Ecrire, par quelque bout qu’on le prenne, c’est aussi travailler ; je suis un écrivain du dimanche ; le dimanche je ne travaille pas ; conséquemment il me faut pour écrire un autre dimanche. […] Des dimanches en plus du dimanche, dans la semaine je m’en prends trois !" Depuis une quinzaine d’années, il est donc un écrivain de la semaine des trois dimanches. Rien à voir avec du dilettantisme ou un simple passe-temps.
Quelques lignes d’Au cirque suffisent à se rendre compte du solennel de l’acte. Et de ce que sa langue charrie de tragique et de sacré. Ce drame rural, ce polar œdipien à la gouaille noire et à la rusticité lyrique n’ont d’ailleurs pas laissé indifférents les premiers lecteurs auxquels Le Tripode a envoyé le roman en primeur, six mois avant sa parution, comme l’éditeur le fait deux fois par an dans le cadre du "grand trip", une lecture en avant-première à 160 abonnés de sa page Facebook. "Inclassable" : le qualificatif est revenu souvent dans les retours de ces premiers critiques.
Admirateur de Michon
L’écriture de Patrick Da Silva, poétique, théâtrale, imprégnée de mythologie et de culture chrétienne, est marquée par son expérience de lecteur. Dans Du dimanche, cet admirateur de Pierre Michon et de Louis-René des Forêts, raconte encore : "Je suis un écrivain du dimanche parce qu’ainsi je ne fais que glisser plus loin sur une autre pente bien plus ancienne, qu’accuser un autre pli bien plus profond : je suis un lecteur du dimanche. Et vraiment du dimanche ; je l’ai déjà raconté par ailleurs : mes premières lectures, les fondatrices, les constituantes, ce furent celles de la messe." Les bêtes, elles, ne connaissent pas les dimanches.
Véronique Rossignol
Patrick Da Silva, Au cirque, Le Tripode. 15 euros, 120 p. Sortie : 13 avril. ISBN : 978-2-37055-122-1