10 octobre > Récit France

De ce livre, avouons-le, il y avait tout à redouter. L’hommage ému à l’ami et (ou) éditeur en allé est un genre en soi qui tourne trop souvent au concours de fayotage posthume, égocentrique et embarrassant. Un « m’as-tu vu souffrant ? » où celui (ou celle) qui reste pose en majesté au détriment du disparu.

Pourtant, rien de tout cela chez Jean-Marc Parisis lorsqu’il se souvient de Jean-Marc Roberts.

A ceci, trois raisons. Tout d’abord, Parisis sait se tenir. Le savoir-vivre est chez lui un savoir-écrire. Ensuite, parce que toute son œuvre (et singulièrement Les aimants, Stock, 2009) témoigne de ce que le deuil, le regret, la sourde élégie, est sa couleur. Enfin, parce que cette Mort de Jean-Marc Roberts est sous sa plume d’abord celle de la littérature (ou au moins d’une façon de vivre « en elle », avec elle et par elle), prise en tenaille entre la dématérialisation (la mort, là encore…) et la fin du « grand récit » au bénéfice boutiquier de l’autofiction (dont Roberts, au demeurant, se fit d’une certaine façon le chantre paradoxal, considérant qu’il vaut toujours mieux étreindre ce que l’on ne peut vaincre).

En 123 pages tenues, tendues, portées par la colère et le chagrin, Parisis nous épargne les habituelles jérémiades «parce que c’était lui, parce que c’était moi». Il reconnaît sans ambages que Roberts n’était pas du cercle de ses intimes, seulement son éditeur doublé d’un « alter ego » en écriture. Ce n’est pas rien. C’est même deux bonnes raisons de s’interroger sur le manque qu’il laisse. Son livre, c’est un peu un « De quoi Jean-Marc Roberts est-il le nom ? ». D’un temps d’irréguliers magnifiques, d’abord. Par commodité, appelons-le « les années 1970 ». Et puis, d’autre chose encore, que la morale ces jours-ci réprouve. Ce type, au fond, n’est pas mort que d’avoir trop fumé. Il est mort par excès de vitesse, goût de la dispersion, résolument coupable de prodigalité. Voilà pourquoi Parisis, à qui la vitesse et les trajectoires aléatoires ne sont pas étrangères, se montre en ces pages si fervent. Certains livres sont des tombeaux, d’autres des prières. Celui-ci est l’un et l’autre. O. M.

 

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