Lancement de nouvelles collections, lifting de plusieurs séries existantes, mise en place d’opérations marketing et de promotion, voire redéploiement d’une partie des catalogues vers de nouveaux rayons… La rentrée juridique 2013 est clairement placée sous le signe de l’innovation. Pour les éditeurs juridiques, il s’agit de dynamiser un marché qui reste compliqué pour l’ensemble des acteurs. Le segment universitaire rencontre « de grandes difficultés », selon Isabelle Chaffanjon, responsable de la librairie LGDJ à Paris, mais tire encore son épingle du jeu grâce à la prescription. Les éditeurs renforcent leur catalogue et toilettent leurs collections. Chez Dalloz, « Grands arrêts » a bénéficié d’une nouvelle maquette de couverture et se répartit maintenant en deux séries : « Grands arrêts » et « Grands textes ». La collection s’est enrichie d’une nouveauté cette année : Les grandes décisions du droit administratif des biens.
Dalloz a également restructuré en juillet ses « Mémentos ». « Nous avons tenu compte du fait que les étudiants de première année sont beaucoup plus scolaires que par le passé. La maquette est plus accessible, fait moins peur et colle davantage au concept éditorial de cette collection d’ouvrages de synthèses et de révisions », explique Hélène Hoch, directrice éditoriale universitaire chez Dalloz. De son côté, LGDJ (groupe Lextenso éditions) revoit les « Manuels LGDJ » : « Nous proposons un format plus grand, qui rend la lecture plus agréable, et nous en profitons pour publier d’importantes rééditions en droit de la famille et en droit du travail, ainsi qu’une nouveauté en droit administratif des biens », indique Emmanuelle Filiberti, directrice générale de Lextenso. Le groupe poursuit également l’intégration de l’ensemble de sa production universitaire de référence sous la marque LGDJ, qui bénéficie par la même occasion d’une nouvelle identité visuelle. Les collections qui paraissaient jusqu’à présent chez Montchrestien conservent leur spécificité, mais sont toutes incluses dans LGDJ. De la même façon, « Droit civil », chez Defrénois, entre dans le giron de la marque chapeau. Cette stratégie ne concerne pas Gualino, autre déclinaison de Lextenso centrée sur les ouvrages de synthèse, et qui conserve son identité propre. Gualino poursuit d’ailleurs son développement avec le lancement de « Tweet cours », qui vient compléter les collections de révision « Carrés rouges » et « Mémentos », qui font fureur en librairie.
Formats courts
Les formats courts inspirent décidément les éditeurs : dans sa nouvelle collection pluridisciplinaire de mini-fiches « Les petits experts », inaugurée au printemps 2013, Dunod publie des titres en droit administratif, droit constitutionnel et droit des sociétés. Hachette propose une nouveauté sur La question prioritaire de constitutionnalité dans « Les fondamentaux. Droit », une collection qui se maintient, selon Julie Pelpel-Moulian, responsable éditoriale chez Hachette Supérieur, car « elle a eu l’intelligence de ne pas essayer de se mettre en face de Dalloz. On est sur le créneau des mémentos, pointe-t-elle. Quand nous avons participé au salon du livre juridique, nous nous sommes rendu compte que les enseignants et les étudiants apprécient cette collection pour ce qu’elle est : des petits ouvrages de synthèse. » La collection de manuels « HU droit » rencontre plus de difficultés, mais peut s’appuyer sur ses trois meilleurs titres, Droit administratif, Droit du travail et Droit constitutionnel, avec des ventes moyennes de 1 000 exemplaires. « Nous ne sommes pas en développement sur « HU droit », admet Julie Pelpel-Moulian. Nous entretenons les titres qui fonctionnent au sein de cette collection qui couvre principalement la licence. » De la même façon, Ellipses fait son miel de l’engouement des étudiants pour les petits formats. Ce sont ses collections de fiches, de QCM et de schémas qui se vendent le mieux. « Notre diversification vers des ouvrages de fiches et de schémas plaît aux étudiants et permet d’obtenir de bons résultats, se félicite Brieuc Bénézet, directeur général. Nos ouvrages de cours magistraux se maintiennent également, mais c’est parce qu’ils bénéficient d’une bonne prescription. »
Les ouvrages académiques ne sont pas abandonnés pour autant. Dalloz renforce ses « Précis » avec Droit maritime et Droit des activités numériques. En « Hypercours », l’éditeur a publié en juin la première édition de Droits de l’homme et libertés fondamentales. « C’est une nouveauté importante qui couvre les programmes de L3 et de préparation au CRFPA », souligne Hélène Hoch. Le champ des « Précis Domat » de LGDJ, qui ciblent les M1-M2, s’étend à des nouveautés consacrées au droit des personnes, au droit fiscal ou encore au droit de l’exécution. L’éditeur propose également Droit des organisations internationales dans sa collection « Traités ».
Chez Armand Colin, « Cursus » est la seule collection comportant une offre en droit, avec une dizaine de titres. « Nous publions une nouveauté à la rentrée, Introduction générale au droit, par un jeune maître de conférences », annonce Stéphane Bureau, directeur délégué à l’édition. La maison complétera son offre avec de nouvelles éditions et de nouveaux titres en 2014. Ciblant aussi bien les étudiants que les professionnels, la 22e édition de Droit du travail, droit vivant, publiée sous la marque Liaisons, s’annonce encore comme l’un des best-sellers de Wolters Kluwer France. Aux Puf, le droit figure parmi les disciplines qui tirent le mieux leur épingle du jeu. « Nous disposons d’une production classique avec quelques nouveautés et des mises à jour, indique la P-DG Monique Labrune. Nous allons notamment publier Droit des logiciels en novembre. » A l’instar d’Hachette, les Puf proposent également un titre sur La question prioritaire de constitutionnalité, dans la collection « Questions judiciaires ».
Croco, bronze ou cuir turquoise
Sur le marché très disputé des codes, LexisNexis poursuit l’offensive des « Codes bleus » en renouvelant et en étendant ses opérations promotionnelles. L’an dernier, l’éditeur avait proposé pendant quelques semaines son Code civil à 19,90 € au lieu de 39,90 € ; une stratégie qui lui a permis de conquérir des parts de marché significatives. « Nous avons vendu deux fois plus de "Codes bleus" que d’habitude », constate Isabelle Chaffanjon, à la librairie LGDJ. Du coup, l’éditeur réitère son opération sur le Code civil - à nouveau proposé à 19,90 € jusqu’au 31 octobre - et l’étend à trois autres codes (pénal, procédure civile et procédure pénale) qui bénéficient d’un prix de lancement de 29,90 €, contre 50 à 59 € habituellement. LexisNexis complète son offensive sur le marché universitaire par des remises de même nature sur le pack « CRFPA procédure civile » et le pack des « Fondamentaux n° 1 » (Code civil, Dictionnaire du vocabulaire juridique 2014, Méthodologie du droit, La Constitution du 4 octobre 1958). Par ailleurs, l’éditeur apporte une touche de fantaisie au Code civil en proposant une série de six jaquettes amovibles en édition limitée. L’ouvrage est ainsi disponible en version croco noir, bronze, zèbre, violet, bayadère et cuir turquoise.
Pour sa part, Dalloz confirme son intention de maintenir ses prix à leur niveau habituel. « Nous défendons la haute valeur ajoutée de nos titres », affirme Guilhem Cros, directeur éditorial des codes. L’éditeur commercialise le pack « Les fondamentaux de la réussite », qui comprend le Code civil, le Lexique des termes juridiques et des compléments pédagogiques en ligne, disponibles sur Dalloz-etudiant.fr, incluant dix fiches de révision, dix annales corrigées et quelques podcasts. Dalloz renouvelle également son opération « 1 DVD offert » à partir de 59,90 € d’achat, en proposant cette année la série télévisée Braquo.
Sur un marché professionnel qui se maintient davantage, porté par les bons résultats de collections phares comme « Mémento pratique de Francis Lefebvre » ou « Dalloz action », les éditeurs font également preuve d’innovation. Francis Lefebvre, notamment, annonce la mise en place d’un nouveau service exclusivement disponible en librairie pour vendre certains titres de « Themexpress ». « Les dossiers publiés dans cette collection comprennent un diagnostic complet du sujet traité, ils sont complétés par des textes utiles, des modèles, la jurisprudence nécessaire et de la bibliographie. Ils sont mis à jour en continu par nos rédacteurs. Quand le client commande son ‘’Themexpress’’, celui-ci est imprimé spécialement pour lui et est à jour de la date de son impression », décrit Odile Segura, responsable marketing VPC de l’éditeur. Cette nouvelle offre démarre avec vingt titres en droit des affaires, fiscalité, droit social ou encore civil-patrimoine.
Cibler les bonnes librairies
De son côté, Wolters Kluwer a entamé en juin un partenariat avec Eyrolles pour la diffusion de ses monographies. « L’objectif est d’optimiser ce que nous faisions déjà dans le cadre de notre diffusion en interne. Nos équipes sont surtout spécialisées dans l’édition médicale ; avec Eyrolles, nous voulons cibler les bonnes librairies pour exposer nos collections de monographies », explique Bernadette Neyrolles, directrice de l’Infocentre éditions, du pôle Droit & réglementation de Wolters Kluwer France. Depuis le lancement de « Lamy axe droit » en 2010, une centaine de titres ont été publiés et ont permis à cette collection d’actualité de s’installer dans les librairies. « Plutôt que de décliner les grandes matières dans des ouvrages exhaustifs, on essaie de répondre à des problématiques business », poursuit Bernadette Neyrolles. Après une intense activité au cours de son démarrage, la collection comptera une dizaine de nouveautés cette année, avec déjà plusieurs rééditions.
Francis Lefebvre s’est lui aussi installé sur le créneau des ouvrages d’actualité avec « Mémento express ». Lancée en avril dernier avec un premier titre intitulé Réformes fiscales 2013, la collection propose une mise en perspective des dernières évolutions législatives. Une deuxième nouveauté est prévue pour la mi-octobre : Réformes sociales 2013. « Nous avons la volonté de proposer des produits intermédiaires, complémentaires, qui se distinguent de notre offre traditionnelle », explique Odile Segura. Dans un autre registre, chez Lextenso, la collection d’essais « Forum », dont les premiers titres sont sortis en juin 2012, « a très bien démarré », affirme Emmanuelle Filiberti. Le premier titre, La cuisine du droit de Christophe Jamin, aborde les modes d’enseignement du droit en France et à l’étranger.
Côté nouveautés, Dalloz enrichit ses « Dalloz action » de deux titres : Droit de l’énergie et Les contrats de transaction. « Droit de l’énergie est un ouvrage unique, écrit par l’ancien directeur juridique d’EDF, pointe Hani Feghali, directeur éditorial des ouvrages professionnels. C’est presque une première européenne pour un titre de cette envergure. » Dalloz a également publié en août Le guide des audiences et a poursuivi son partenariat avec Juriscope en lançant Droit chinois des affaires et le Nouveau code civil roumain. Francis Lefebvre annonce pour décembre un nouveau « Mémento » traitant de la prescription civile. Pour sa part, WKF aura publié cette année quatre nouveautés en « Lamy conformité » et une quinzaine de titres dans ses collections destinées aux professionnels de la fonction RH. <
Le droit en chiffres
Prat se redéploie en librairie
Alors que les éditeurs juridiques grand public souffrent en librairie d’un resserrement des rayons dédiés à leurs ouvrages, Prat a décidé de viser d’autres types de positionnement en magasin. «Cette année, nous retirons plusieurs titres de la collection des "Guides pour tous", de manière à pouvoir les intégrer à d’autres rayons en librairie », annonce Anne-Laure Marie, directrice éditoriale chez Prat. L’opération concerne les ouvrages abordant les thématiques familiales comme l’adoption, le handicap ou la retraite. « Ces livres contiennent une importante partie juridique, mais ils ne sont pas exclusivement juridiques et le public concerné ne va pas forcément les chercher dans un rayon de droit. On les extrait donc de la collection et on les dote d’une nouvelle couverture plus grand public et centrée sur la nouvelle thématique », explique-t-elle.
Pour accompagner ce redéploiement, Prat optimise également l’exposition de ses titres avec l’installation de présentoirs destinés à créer un mini-rayon juridique dans les librairies qui n’en disposent pas. L’éditeur a aussi lancé deux titres hors collection qui sont des modèles de lettres sur les démarches administratives (Démarches administratives : 120 lettres pour vous simplifier la vie) et à destination des consommateurs (Consommateurs : 120 lettres pour régler vos litiges). Des ouvrages thématiques à petits prix entendent mieux répondre aux attentes des lecteurs. Dans la collection « Votre argent », Prat continue ainsi à publier ses titres thématiques sur les impôts, l’immobilier ou la Bourse. En revanche, le gros volume Votre argent ne sortira pas cette année. « Sur les questions de patrimoine, les ouvrages courts et centrés sur un sujet se vendent mieux, observe Anne-Laure Marie. Nous privilégions donc ces formats. » <
De nouveaux services numériques
Le déploiement des offres numériques de plusieurs éditeurs a pris du retard, mais les importants investissements annoncés il y a un an doivent déboucher d’ici à l’automne sur des dispositifs opérationnels, d’abord pour le marché universitaire.
Francis Lefebvre avait annoncé à la fin de l’été 2012 le lancement de son service d’iMémento. Celui-ci sera finalement opérationnel en octobre, annonce Odile Segura, responsable marketing VPC de l’éditeur. « Nous allons démarrer avec six titres, précise-t-elle. Au fur et à mesure des rééditions et des nouvelles parutions de mémentos, l’offre sera enrichie. » Exclusivement disponibles sur iPad, les iMémentos sont la version numérique de la collection phare de Francis Lefebvre, les « Mémento ». Ils bénéficieront d’une mise à jour en continu. «Aujourd’hui, les "Mémento" papier bénéficient d’une mise à jour grâce à un système d’alerte, mais c’est au client d’aller chercher l’information sur notre site. Avec l’iMémento, le système intègre automatiquement la mise à jour dans le texte sur la tablette. Les contenus ne sont pas modifiés, la mise à jour apparaît à côté du paragraphe concerné », détaille Odile Segura. La commercialisation en livres numériques des autres collections de Francis Lefebvre, sans les fonctionnalités proposées sur les iMémentos, n’est en revanche pas encore à l’ordre du jour. « Nous n’avons pas de calendrier précis, mais cela concernera pour commencer la collection "Dossiers pratiques" », avance Odile Segura.
Egalement annoncée pour la rentrée 2012, la publication au format ePub des premiers ebooks universitaires de Dalloz devrait être effective cet automne. « Nous avions travaillé l’an dernier à la sortie en ePub de quatre collections d’ouvrages à destination des étudiants "Cours", "Hypercours", "Sirey" et "Précis", NDLR], mais cela ne s’est pas fait aussi vite qu’on l’avait prévu. Ce sera prêt à la rentrée », explique Hélène Hoch, directrice éditoriale universitaire chez Dalloz. L’offre concernera pour commencer une soixantaine de titres et sera disponible sur Apple, Amazon, Kobo et Numilog. L’éditeur propose également des versions numériques feuilletables en ligne gratuitement de ses neuf principaux codes et l’envoi de mises à jour par courriel tous les deux mois. « L’idée est de contribuer au maintien des ventes en librairie en proposant un supplément au seul support papier, indique Guilhem Cros, directeur éditorial des codes. En revanche, aucun développement n’est encore d’actualité pour les titres à destination des professionnels. «Les étudiants sont des "digital natives", ils ont des facilités d’utilisation du numérique ; la logique est différente sur les titres destinés aux praticiens, justifie Hani Feghali, directeur éditorial des ouvrages professionnels. Une grande partie de nos contenus sont déjà disponibles sur Dalloz.fr en version feuilletable, mais la demande en ebook n’a pas la même acuité que pour les codes ou l’universitaire. »
A la recherche du format idéal.
Chez Lextenso, où les ouvrages numériques ne sont aujourd’hui proposés qu’en version homothétique et représentent moins de 1 % des ventes, la directrice générale Emmanuelle Filiberti considère que même sur le marché universitaire, il est encore tôt pour commercialiser des ebooks : « Tant que le mode d’enseignement du droit est le même et que les examens ne changent pas, il n’y a pas forcément lieu de modifier notre production éditoriale en proposant des ebooks », estime-t-elle. Les prochains développements, dont le calendrier est encore incertain, prendront donc surtout la forme d’une offre bimédia : « Le papier serait enrichi par des compléments en ligne sous forme de cas pratiques, de quiz ou de QCM », annonce Emmanuelle Filiberti.
De son côté, Foucher a pour la première fois proposé des ebooks en « Fiches et QCM » à l’automne 2012. La collection comprend une série d’ouvrages juridiques. « L’intérêt est l’interactivité sur les QCM, mais l’activité démarre et les ventes sont encore faibles. C’est marginal en CA, mais pas en temps passé. Le papier va longtemps rester notre activité principale », confie Marilyse Vérité, responsable enseignement supérieur et développement numérique de Foucher.
Les éditeurs continuent de chercher le format de lecture numérique le plus à même de répondre aux attentes de leurs lecteurs. Wolters Kluwer développe à partir de septembre une bibliothèque digitale - au nom encore indéterminé - qui permettra de consulter l’ensemble de ses publications (monographies, doctrines, revues) aussi bien sur ordinateur que sur tablette, en conservant les bénéfices de la mobilité en mode connecté ou déconnecté. « Les professionnels pourront consulter un titre sur leur tablette, prendre des notes, et les retrouver sur leur ordinateur en arrivant au bureau », indique Isabelle Bussel, directrice générale du pôle droit et réglementation de Wolters Kluwer France. Une boutique intégrée permettra d’ajouter de nouveaux titres dans cette bibliothèque numérique. Les clients conserveront la faculté d’acheter la version papier, la version digitale, ou les deux dans le cadre d’une offre packagée. A terme, ils devraient également pouvoir ajouter leurs propres contenus, voire les publications d’autres éditeurs. « Jusqu’à présent, les ebooks ne décollent pas dans l’édition professionnelle parce qu’ils s’intègrent mal avec les outils des praticiens. La lecture d’un ouvrage juridique n’a rien à voir avec celle d’un roman, et la liseuse n’apporte ici aucune réelle plus-value, estime Isabelle Bussel. Avec cette offre, nous espérons coller aux besoins de la profession. »