Livres Hebdo - Comment interprétez-vous la forte réaction publique à la pétition de Bibliothèques sans frontières ?
Dominique Arot - Ces nombreuses réactions sont une bonne nouvelle. Elles montrent que les bibliothèques sont considérées comme des services de base, à l’université comme dans la cité. Pour une fois, le grand public réagit et s’invite dans le débat. C’est un message fort adressé aux décideurs : faire que la bibliothèque soit un enjeu de la politique publique. Les modes de vie ont changé, il faut faire évoluer les horaires d’ouverture des services publics, et pas seulement des bibliothèques, qui reposent encore sur un schéma dépassé de services administratifs, en fonction de ces évolutions. Ce qui me frappe, c’est que la question de l’ouverture du dimanche, par exemple, était auparavant un débat assez marginal, entre professionnels. Aujourd’hui, c’est une question qui se pose de manière très concrète et qui est au cœur des réflexions.
Vous dites qu’il existe des marges de progression dans les bibliothèques universitaires comme en lecture publique. Sur quels leviers est-il possible de jouer ?
Principalement sur l’organisation des lieux et sur la conception du métier. Nombre de bâtiments sont très consommateurs en présence humaine. Il est possible de centraliser certaines fonctions, d’ouvrir partiellement les espaces selon les horaires. Il est aussi indispensable de faire évoluer la conception du métier de bibliothécaire. Les choses ont commencé à changer en France mais il faut poursuivre la réflexion pour réduire la part des tâches techniques en les centralisant ou en les externalisant, comme c’est le cas par exemple aux Pays-Bas, où les livres arrivent tout équipés, et en renforçant le service au public.
L’extension des horaires d’ouverture est aussi une question de moyens. N’est-ce pas illusoire de penser que, dans le contexte actuel, les élus vont accepter d’investir plus dans leurs bibliothèques ?
Là où il y a une forte volonté politique, les moyens suivent. Les élus fonctionnent encore trop souvent sur une image obsolète de la bibliothèque dont ils méconnaissent le potentiel. Ils doivent prendre conscience que la question de l’écrit est centrale dans l’ensemble de leurs politiques sociales, éducatives, culturelles. Si on enlève des moyens à la bibliothèque, c’est l’ensemble de ces politiques qui est mis en défaut. Les bibliothèques présentent une forte plasticité. Elles peuvent jouer un rôle dans de nombreuses situations, comme actuellement la réforme des rythmes scolaires. Ceci étant, il est vrai que chaque heure d’ouverture supplémentaire a un coût. Il faut donc que ce soit pertinent et adapté à chaque contexte. Il y a également un préalable à l’extension des horaires d’ouverture : qu’il existe au départ une bonne qualité de service. < V. H.