Présents sur un segment qui lie le beau et l'utile, les éditeurs d'ouvrages de design portent une attention particulière à la conception graphique des titres qu'ils -publient. D'autant plus que certains d'entre eux portent une double compétence : ils sont à la fois éditeurs et designers. « Je fais très attention à la fabrication et à la typographie. La mise en page permet de faire recevoir le texte de manière différente », affirme Alexandre Dimos, fondateur de B42 et cofondateur du studio de design deValence qui assure la conception des titres de la maison. Son point de vue est partagé par Céline Remechido, directrice éditoriale de Pyramyd qui cohabite depuis sa création avec la revue spécialisée Etapes : « Avec le graphisme, on peut simplifier l'information et renforcer le côté pédagogique des livres », estime l'éditrice dont la maison a pour objectif de publier « des ouvrages au maximum ouverts et accessibles, sans toutefois faire baisser le niveau ». Elle va notamment éditer L'architecture d'intérieur : un guide pratique de référence signé par Chris Grimley et Mimi Love (7 novembre), un « livre très technique pour professionnels et étudiants » mais qui est élaboré avec une maquette attractive de façon à « ne pas rebuter le lecteur ».
« Je ne veux pas publier trop de livres mais j'ai à cœur de bien les travailler, assume Sandra Chamaret, cofondatrice de Zeug et qui est par ailleurs enseignante et graphiste. La typographie qui peut être un sujet austère. Mais, dans nos livres, nous voulons en faire quelque chose de joyeux et coloré, avec beaucoup d'images pour que de nombreuses personnes puissent comprendre le sujet. »
Un objectif qui s'est retranscrit dès la publication de Xavier Dupré, itinéraire typographie : un entretien avec Julien Gineste (2016) et qui se poursuit à travers un entretien, à paraître en octobre, avec Pierre di Sciullo qui a « inventé des signes, des alphabets et des formes de lettres bizarres ». La maison, qui n'inscrit pas son nom sur la couverture mais sur la tranche de ses titres afin de proposer des couvertures « plus dépouillées », va plus loin dans la conception de ses ouvrages.
Objets artisanaux
Sandra Chamaret et Julien Gineste, ses deux cofondateurs, développent parfois des livres-accordéons et proposent des tirages de tête pour leurs ouvrages. C'est par exemple le cas avec Vues/Lues de -Marion -Bataille (2018) - une collection de cartes postales qui -forment un alphabet - dont la couverture du tirage de tête est « une carte avec le titre brodé » au fil rouge. « Nous essayons d'inventer des objets artisanaux en lien avec le livre pour pouvoir justifier un prix plus élevé. Il existe en ce moment une réflexion sur un retour à l'artisanat dans le design, c'est quelque chose que je veux transmettre dans mes livres », explique Sandra Chamaret. Sans aller jusqu'à réinventer la forme visuelle de ses titres, Norma pense chaque publication comme un projet à part entière dont la mise en forme est déléguée à des designers graphistes. A titre d'exemple, le studio deValence d'Alexandre Dimos a eu la charge de concevoir la maquette de Memphis : plastic field à paraître le 11 septembre chez Norma. Maïté Hudry et Matthieu Flory, les deux éditeurs de la maison, prêtent par ailleurs une grande importance au papier utilisé. Il n'est pas rare de sentir trois textures différentes en feuilletant l'un des ouvrages du catalogue : une pour les photos, une pour les catalogues et une dernière pour le texte.
Si le soin accordé à la conception graphique des textes permet aux éditeurs d'innover sur la forme, il les empêche cependant de se diversifier et de se lancer sur le marché numérique. « Nous avons essayé de publier des ouvrages numériques mais avec ce support, on perd la notion d'objet. Nous avons dû déconstruire tout ce que nous avions fait en termes de typographie et de maquette, alors que c'est justement notre valeur ajoutée », regrette Céline Remechido qui, pour l'heure, a renoncé au numérique pour continuer à penser ses ouvrages comme des objets beaux et utiles.