31 octobre > Histoire France

Laurent Guillemot est parti d’une idée simple : un monument aux morts porte autant d’histoires que de noms gravés. Le sien se situe à Auriat, dans la Creuse. Sur les quelque cinq cents habitants du village, une centaine d’hommes sont partis en 1914 et se sont battus d’Ypres à Salonique, eux qui n’avaient jamais quitté leur canton. Trente-sept ne sont jamais revenus, soit un sur trois. Laurent Guillemot s’est donc attaché à les raconter. En fouillant les archives, en compulsant les journaux de marche des régiments, il a reconstitué ces vies minuscules qui ont fait l’histoire autant que les grands destins.

Dans son subtil Cinq deuils de guerre 1914-1918 («Texto», 2013) Stéphane Audoin-Rouzeau explorait les conséquences de la mort pour les familles, en particulier pour les femmes. Génération Champ d’honneur en constitue une sorte d’avant-propos. Sans emphase, en se limitant aux faits, Laurent Guillemot raconte la Grande Guerre à travers ces existences brisées. Des gens jeunes pour la plupart. Ce fut le cas de Léon-Antoine Dupré qui, lui, s’engagea dans l’artillerie en 1915, à 17 ans, et qui eut la chance de revenir. Cela lui permit trente ans plus tard de mettre en page et d’illustrer - fort joliment d’ailleurs - les lettres qu’il avait écrites à ses parents de mai 1916 à juillet 1918. Il l’avait fait à l’intention de son fils unique en 1949 pour ne pas lui faire « regretter de n’être pas parti volontaire en 1944 ».

Dans ce Carnet de route d’un gosse des tranchées, Léon-Antoine Dupré dit la guerre comme auraient pu la dire les trente-sept soldats d’Auriat : le courage, la peur, l’attente, l’amitié, les cadavres, l’enfer de Verdun, le chemin des Dames, la haine du Boche, la barbarie et même une fugace nuit d’amour. En exergue, Dupré a placé cette phrase de Gide : «L’histoire que je raconte ici, j’ai mis toute ma force à la vivre.» L. L.

 

 

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