avant-portrait > Guillaume Rihs

D’autres, de ce côté-ci des Alpes, auraient pris la grosse tête, pas Guillaume Rihs. Son premier roman, Aujourd’hui dans le désordre, un huis clos savoureux dans un vaste appartement genevois bloqué par une tempête de neige, publié en janvier 2016 chez Kero, vient de reparaître chez Pocket. Son deuxième, Un exemple à suivre, sort dans quelques jours, chez le même éditeur. Mais cette tête bien faite et bien pleine accueille tout cela avec gratitude, modestie et un soupçon de satire, laquelle est un peu son "mode d’expression". "Certains de mes élèves, explique ce professeur d’histoire et d’anglais au collège Sismondi (un lycée, en fait - la Suisse est un pays bien plus déconcertant qu’il n’y paraît), savent que je suis l’auteur d’un roman. Ils ne l’ont pas forcément lu, mais ont été impressionnés parce que j’ai ma page Wikipédia. Imaginez si, pour celui-ci, je passe à la télé ! Pas dans une émission littéraire, bien sûr, ça ils ne regardent pas."

Pour définir cette attitude, il existe, là-bas, un joli helvétisme : "être déçu en bien". Celui qui se lance dans une aventure sans préjuger du succès sait l’apprécier lorsqu’il survient. Le premier roman de Guillaume Rihs, donc, avait été distingué en décembre 2014 par le prix des Ecrivains genevois, décerné tous les quatre ans par le jury de cent membres de la Société éponyme à un roman, sur manuscrit et anonyme. Cela donne à réfléchir… Il est doté de 10 000 francs suisses (9 000 euros environ), à charge pour le lauréat d’être édité. En 2010, le prix avait récompensé un certain Joël Dicker. On souhaite la même carrière à son successeur.

Journaliste stagiaire

"Je ne sais comment, raconte Rihs, Philippe Robinet,le patron de Kero, est tombé sur un article me concernant dans La Tribune de Genève. Il m’a contacté. Le roman lui a plu, il est paru en janvier 2016." Il a plutôt bien marché : longtemps en tête des meilleures ventes dans les librairies Payot, il a été traduit en néerlandais et en hébreu, et paraît maintenant en poche. Mais ce texte n’était pas sa première tentative. "Auparavant, confie-t-il, j’avais écrit L’insaisissable Ali Ibn al-Radan, inspiré de mon expérience ratée de journaliste stagiaire au service international de L’Express, à Paris. Je me suis senti perdu, ce n’était pas pour moi." Pas plus que l’architecture, abandonnée après un an et demi à la très réputée Ecole polytechnique de Lausanne, au profit de l’enseignement.

Au final, Ali est resté dans ses tiroirs. Pas Un exemple à suivre, heureusement. Il s’agit d’une satire des célébrations de nos grands hommes, en France comme en Suisse : Calvin, Rousseau, ou Geronimo Jules, écrivain et homme politique, un "quart de siècle" après sa mort. Un anniversaire burlesque, qui se veut "festif", mais saboté par un vieux schnock, catholique et débauché. On s’amuse, bien sûr, même si le roman, en arrière-plan, peut se lire comme "une réflexion sur le sens de l’histoire, sa place dans le domaine public".

Tout en s’occupant de sa fille nouveau-née, de la culture de ses élèves, du lancement d’Un exemple à suivre, Guillaume Rihs travaille à son roman suivant, "une histoire d’hommes, de copains qui partent en voyage ensemble. Mais je rame un peu…".

Jean-Claude Perrier

Guillaume Rihs, Un exemple à suivre, Kero. 17,90 euros, 234 p., sortie : 5 avril. ISBN : 978-2-36658-295-6

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