Pour près de 5 000 bibliothèques françaises, on compte seulement quelques dizaines de responsables de la communication. La plupart du temps, c'est le directeur, ou un membre de l'équipe ayant du goût pour la programmation culturelle et la relation avec les publics, qui se charge, avec les moyens du bord, de mettre en valeur les services et les animations de son établissement auprès du public. C'est le cas de Christine Tharel-Douspis à la bibliothèque municipale d'Angers, qui fait partie de l'équipe depuis 1990 et qui avait déjà pris un certain nombre d'initiatives dans le domaine de l'animation auparavant. Lorsqu'une possibilité de promotion s'est offerte, elle a postulé. Un travail de collaboration avec le service de la communication de la ville a ainsi pu s'établir, et plusieurs projets de campagnes de promotion et de valorisation de l'action culturelle sont en cours, tandis que les rapports avec la presse régionale commencent à porter leurs fruits. Mais, comme beaucoup de ses collègues, elle déplore qu'il n'existe pas davantage de formations qui permettent d'apprendre les rudiments du métier, ne serait-ce que pour mieux dialoguer avec les services de la ville ou s'adresser aux journalistes.
C'est aussi soutenue par le volontarisme de sa directrice, Karine Jay, qu'Anne Coquet-Lamotte, arrivée il y a cinq ans dans le réseau de Boulogne-sur-Mer, a été chargée d'une mission transversale de l'action culturelle et de la communication tout en travaillant comme directrice d'une bibliothèque de quartier. "Nous avions conscience que nous étions loin de notre potentiel d'accueil, il a fallu redynamiser complètement l'image de la bibliothèque dans la ville", explique-t-elle. Comme dans la plupart des villes petites et moyennes, les événements importants (quand il y en a...) sont financés et réalisés par le service de communication de la ville mais "nous essayons de nous débrouiller le plus possible avec nos moyens - 6 000 euros par an - pour assurer les promotions de nos activités". Un petit budget, mais qui n'empêche pas Anne Coquet-Lamotte de prendre des initiatives originales, comme cette énorme tour de Babel de livres, réalisée par les lecteurs à l'entrée de la bibliothèque des Annonciades, ou cette "biblio-braderie" de plusieurs milliers de livres provenant du désherbage et vendus entre 50 centimes et 2 euros au profit de Bibliothèques sans frontières.
FORMATION SPÉCIFIQUE
A Metz, Marie-Paule Doncque, bibliothécaire passionnée par son travail de programmation culturelle et de communication aux côtés du directeur André-Pierre Syren, a pu bénéficier d'une formation spécifique en communication. Car il y avait là aussi un énorme travail à faire pour reconstruire l'image du réseau. "Au début, les bibliothèques n'avaient aucun rayonnement dans le tissu messin, dit-elle, personne ne rebondissait à nos initiatives. Il a fallu frapper un grand coup, élaborer un plan d'action, inventer grâce à notre dessinateur de presse André Faber le personnage de Miss Média pour communiquer "autrement" sur le monde des bibliothèques."
Il est plus rare, du moins dans les villes de taille moyenne, de trouver des responsables de communication et d'action culturelle qui ne viennent pas du sérail des bibliothèques. Annie Lombard, qui travaillait auparavant dans le privé, fait un peu figure d'exception. Recrutée en 2001 par la directrice de la médiathèque de Hyères (56 000 habitants), Nathalie Erny, elle a dû créer un service ex nihilo avant même la création de la médiathèque en 2005. "Cela n'a pas été facile de convaincre mes collègues au départ, j'avais l'impression de parler une autre langue, se souvient-elle, je les entendais souvent objecter : "Ah oui, mais Annie c'est pas une bibliothécaire !" Je trouvais qu'ils organisaient des choses extraordinaires et m'étonnais qu'ils ne voient pas la nécessité de les mettre en valeur." Une constatation que même les chargées de communication-bibliothécaires font aussi, tout en notant que les attitudes évoluent vite. Aujourd'hui, ce sont plutôt les demandes de formation à la communication qui arrivent de toutes parts. Annie Lombard le constate de plus en plus, elle qui assure des cours dans différents organismes de formation.
Non seulement les bibliothécaires oublient vite leur réticence vis-à-vis du marketing et de la communication, mais ils en mesurent l'efficacité et en redemandent ! C'est ce que vivent les services de communication plus organisés dans les grands établissements. A Lyon, Geneviève Chovet, qui elle aussi est arrivée du privé, chapeaute un pôle de quatre personnes depuis dix ans, et travaille pour les quinze bibliothèques du réseau. "Au début, beaucoup estimaient qu'on dépensait de l'argent et qu'on ne servait pas à grand-chose, les bibliothécaires vivaient bien comme ça, elles avaient leur légitimité. Aujourd'hui la question de la communication ne se pose plus, nous sommes sollicités sans arrêt et les bibliothécaires sont tout déçus si on ne fait pas du tapage autour de leurs initiatives." Même son de cloche à Grenoble où Cécile Bagieu, ancienne journaliste, travaille en binôme avec sa collègue chargée de l'action culturelle. Elle aussi est de plus en plus sollicitée. "On fonctionne un peu comme un service de ressources, remarque-t-elle, les bibliothécaires foisonnent d'idées, nous les soumettent et nous demandent notre participation. C'est formidable mais pas toujours facile à assurer..." Pour mieux organiser les choses, Cécile Bagieu a dû mettre en place un circuit des informations, demandant aux bibliothécaires de fournir des fiches et quelques lignes synthétiques sur le contenu et les objectifs de leurs actions. "Je me demande, conclut-elle, s'il ne faudrait pas proposer aux chefs de projets des petites sessions de formation à la communication."