Reportage

De Jaipur au Kerala : la saison des festivals littéraires bat son plein en Inde

Le Kerala Literature Festival mettait cette année la France à l'honneur - Photo Judith Oriol

De Jaipur au Kerala : la saison des festivals littéraires bat son plein en Inde

Chaque hiver, de novembre à mars, l’effervescence intellectuelle en Inde se décline en une multitude de festivals littéraires organisés aux quatre coins du pays. Livres Hebdo a pu assister à certains d’entre eux, parmi lesquels le célèbre Jaipur Literature Festival ou le Kerala Literature Festival, qui a mis cette année la France à l’honneur. 

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Par Judith Oriol Inde,
Créé le 25.02.2025 à 11h00

Troisième et dernier volet de notre série de reportages en Inde : 

Pour séduire les lecteurs indiens, les festivals ne lésinent pas sur leur communication. Le Jaipur Literature Festival (JLF) se présente comme rien de moins que la World's Grandest Celebration of Books and Ideas ! En 2006, Namita Gokhale, auteure à succès et personnalité incontournable du monde du livre, s’est associée à William Darlymple, historien et écrivain écossais basé à Delhi, et au producteur Sanjoy Roy pour lancer ce qui n’a pas tardé à devenir le plus emblématique des festivals littéraires indiens.

« Ce que je cherchais alors, c'était une plateforme où les diverses langues indiennes pourraient dialoguer entre elles, être présentées au monde entier ; et un lieu où le public indien pourrait entendre des voix internationales et le meilleur de la littérature mondiale », se souvient Namita Gokhale. Depuis, le JLF est devenu un véritable phénomène littéraire et une marque dupliquée à l’international au nom de l’universalité de la littérature. Des JLF s’organisent désormais dans une douzaine de villes étrangères, de New York à Doha, en passant par Londres et Toronto.

Cette année encore, du 30 janvier au 3 février, le festival a réuni écrivains, penseurs, hommes politiques et artistes dans une plateforme transdisciplinaire, se réclamant, dans le contexte de durcissement politique, d’une liberté d’expression propre aux démocraties. Pourtant, nombreux sont les écrivains et les éditeurs qui n’ont pas participé à la 18ᵉ édition du JLF, jugeant le doyen des festivals impersonnel, cher - y faire parler un auteur étranger est devenu payant - et complaisant avec le pouvoir en place depuis que le Rajasthan a à nouveau, en 2023, basculé dans le camp du parti nationaliste hindou.

Les déçus ont l’embarras du choix puisque nombreux sont les groupes de presse ou conglomérats indiens qui développent leur festival : le Apeejay Literature Festival à Kolkata, The Hindu Lit for Life à Chennai, le Godrej Literature Live à Mumbai, alors que le Bangalore Lit Fest, financé par la communauté, se démarque par son indépendance.

Jaipur
PHOTO Judith Oriol

600 000 personnes et la France à l'honneur au Kerala Literature Festival 

Mais c’est au Kerala que le succès des festivals littéraires indiens est le plus considérable. Dans cet État du sud du pays, caracolant en tête des indicateurs de développement en Inde et affichant un taux d’alphabétisation de 97 %, la 8ᵉ édition du Kerala Literature Festival (KLF), organisée par l’éditeur de langue malayalam DC Books, a réuni plus de 600 000 festivaliers du 23 au 26 janvier. Son directeur, Ravi Deecee se félicite du soutien du gouvernement local : « Le département du tourisme du Kerala a inclus le KLF parmi les événements touristiques majeurs de l’État et le festival a ainsi pu jouer un rôle clé dans la désignation par l'UNESCO de Kozhikode comme première Ville de la littérature en Inde ». 

Invitée d’honneur, la France a bénéficié d’une audience extraordinaire pour la quinzaine d’auteurs présents, parmi lesquels la lauréate du prix Nobel Esther Duflo, l’auteur jeunesse Timothée de Fombelle, la romancière graphique Zeina Abirached ou le romancier Philippe Claudel. Le KLF accueillait également, pour la première fois, un événement professionnel, soutenu par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l'Institut français, réunissant huit éditeurs français et une trentaine d’éditeurs indiens.

Les festivals indiens sont autant de réjouissants laboratoires en ébullition où dialoguent les différentes traditions littéraires enracinées dans cette nation plurielle aux 22 langues nationales. Chaque nouveau festival semble contribuer au grand défi national de développer le goût de la lecture chez les plus jeunes. Et, alors que le quotidien de langue malayalam, Malayala Manorama, vient de lancer son festival sur les mêmes plages de Kozhikode que le KLF, voici comment Ravi Deecee parle de ses concurrents : « Ces événements favorisent la lecture et encouragent le dialogue, ce qui à mon avis est une tendance saine dans toute société civilisée […] Les festivals comme le KLF, ouverts aux masses plutôt qu'à l'élite, apportent de l’énergie aux lecteurs et encouragent les non-lecteurs à s'intéresser aux livres, ramenant une large part de la communauté dans le giron littéraire. C'est un excellent signe pour l'avenir ! »

dsq
Photo JO LH

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