Selon le principe de la collection « vérités et légendes », Eric Pincas se propose de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie à propos d'une matière qu'il connaît bien : la préhistoire. Le rédacteur en chef d'Historia mène son enquête avec clarté, sans jamais lâcher le morceau, en répondant précisément aux questions posées dans chaque chapitre et en pointant, le cas échéant, l'incertitude qui plane sur tel ou tel sujet.

Car la préhistoire est un domaine où la conjecture fait souvent office d'aventure. Nous sommes dans ce temps d'avant l'histoire qui prépare l'histoire, ce monde du silence fait de traces qu'il faut faire parler avec des instruments scientifiques certes de plus en plus performants mais qui n'ôtent rien au doute face à nos justes interrogations : comment parlaient-ils, avaient-ils des croyances ? Le grand préhistorien André Leroi-Gourhan évoquait avec justesse une science née au confluent de l'histoire naturelle et de l'humanisme.

Dans cette formidable invitation à la découverte de cette nuit des temps, Éric Pincas rappelle comment cette discipline s'est forgée au XIX^e siècle, d'abord par la curiosité des prêtres catholiques qui trouvaient que quelque chose ne collait pas entre le récit des Ecritures et les origines de l'Homme. Ainsi, le premier préhistorien au Collège de France fut l'abbé Breuil.

Dans cette quête des origines, la ruée vers l'os s'accompagne aussi de querelles peu reluisantes pour la communauté scientifique comme ce « fémur de la discorde » découvert par une jeune étudiante en 2003 qui mit dans l'embarras quelques sommités sur la bipédie de Toumaï, notre plus vieil ancêtre vieux de sept millions d'années.

On écrit depuis 5 000 ans, mais depuis quand parle-t-on ? Eric Pincas n'évacue pas les problèmes quasi insolubles. Une chose est sûre : la station debout serait fondatrice du langage par les transformations anatomiques et physiologiques qu'elle engendre. On peut donc estimer qu'un proto langage est apparu vers 1,5 million d'années, au moment où le feu fut apprivoisé.

Au terme de cette immersion vous en saurez plus sur nos aïeux chasseurs-cueilleurs, cuisiniers et charognards, cannibales parfois, médecins et chirurgiens, moins belliqueux qu'on ne le pense, qui prenaient soin de leurs morts, pratiquaient une forme de chamanisme et se montraient artistes. Donc très loin de « l'image de brutes épaisses vêtues de grossières peaux de bête, confinées au fond de leur grotte, ne s'exprimant que par des grognements et portées par leur instinct sauvage ». Et si cette préhistoire continue de fasciner, c'est bien parce qu'elle garde l'empreinte des premiers pas de l'espèce humaine.