Elle se définit comme "une chercheuse dans l’âme", qui n’est jamais si heureuse que quand elle écrit, à son bureau. Lui, plutôt comme "un pédagogue né, un passeur", qui adore enseigner à ses prépas HEC à Saint-Cloud. En un mot : "Je suis le yang", dit Florence Braunstein. "Et moi le yin", ajoute Jean-François Pépin. Fusionnels, ces deux-là se sont rencontrés au début des années 1980, au Collège de France. Ils y suivaient des cours d’égyptologie, discipline où ils ont chacun obtenu un doctorat. Et ils ne se sont plus quittés depuis. Après avoir vécu une quinzaine d’années entre Le Caire et Paris, Florence menant des fouilles en plein désert tandis que Jean-François travaillait à sa thèse en bibliothèque, ils sont ensuite rentrés, enseignant tous deux en classes préparatoires. Florence, la culture générale, Jean-François l’histoire.
Aujourd’hui, lui seul exerce encore, elle pouvant se consacrer à leur œuvre commune. Pas moins d’une vingtaine d’ouvrages à quatre mains, depuis 1990 et leur Guide de culture générale, paru chez Ellipses, un éditeur spécialisé dans les classes préparatoires aux grandes écoles. "C’était notre premier livre, disent-ils en chœur, destiné à aider nos élèves qui se faisaient massacrer aux concours sur des questions simples." Ils en ont ajouté une dizaine d’autres, chez le même éditeur, tournant tous autour des fondamentaux : culture générale, littérature, grandes civilisations…
Mais dès le départ, ils avaient un rêve : traiter cette notion de culture générale en profondeur, dans un livre "mahousse costaud" où ils pourraient laisser libre cours à leur savoir, et à leur combat politique (au sens large) : "Avoir supprimé l’épreuve de culture générale aux concours de Sciences po et de l’Ena, parce que jugée "discriminatoire", est une absurdité, une négation de la méritocratie républicaine, le contraire de ce qu’il fallait faire pour que tous les jeunes possèdent des bases sérieuses. La culture générale, c’est comme un couteau suisse, ça sert toute une vie !" Encore faut-il s’entendre sur la discipline elle-même : "Nous militons pour la culture générale, poursuivent Florence et Jean-François, pas pour la culture "généralisée" - selon le mot de Finkielkraut -, qui est un vaste fourre-tout, un smic intellectuel." C’est-à-dire, suivant la définition du Dictionnaire de l’Académie française (édition de 1934), à quoi ils se réfèrent, toutes les matières nécessaires à un honnête homme d’aujourd’hui : histoire, littérature, philosophie, sciences, arts… mais pas le sport, ni la télé. "Et tant pis si c’est un discours réactionnaire !" lance Florence, la moins diplomate du couple.
Karaté et taï-chi.
En décembre 2006, Braunstein et Pépin avaient déjà signé La culture générale pour les nuls (chez First), dont les ventes avoisinent les 500 000 exemplaires, toutes éditions confondues, deuxième meilleur score de la célèbre collection, derrière L’histoire de France pour les nuls de Jean-Joseph Julaud. Puis Les grandes civilisations…, toujours pour les nuls. Ils ont adoré l’exercice, mais restaient quand même sur leur faim. Cette fois, avec 1 kilo de culture générale et ses 1 700 pages, et même s’ils n’ont pas pu y mettre tout ce qu’ils auraient souhaité, ils se disent satisfaits. "Un être humain, c’est quelqu’un qui s’intéresse à tout", dit Jean-François. Et ils sont très humains, Braunstein et Pépin. Elle, passionnée par le Japon (où elle n’est jamais allée) et les arts martiaux, qui a pratiqué le sabre et le karaté durant longtemps. Lui, par la Chine, où il n’est jamais allé non plus, mais qui s’adonne au taï-chi et au yoga. Et tous deux sont fous de l’Inde. Seul Jean-François y a voyagé une fois, dans le nord : "On a été végétariens durant quinze ans, dit-il, on va toujours prier Ganesh dans son petit temple à Paris, et, à la maison, de l’encens brûle toujours devant sa statue."
Côté projets, Florence, qui a déjà publié un roman historique, Le roi Scorpion, en 1995, au Mercure de France, en prépare un autre, "contemporain cette fois". On n’en saura pas plus. De même, sur leur prochain chantier à quatre mains : "Secret absolu, comme les Pyramides !" prévient Jean-François. En cherchant bien, en les torturant un peu, une seule divergence entre les tourtereaux encyclopédistes : lui déguste un havane, tandis qu’elle fume clope sur clope… La dream team, en revanche, espère bien que ses 500 000 lecteurs "nuls" vont revenir s’offrir un kilo de cette culture générale, "qui n’est pas un luxe, comme certains démagogues voudraient nous le faire croire, mais un droit". Et vive la culture pour tous !
Jean-Claude Perrier
1 kilo de culture générale, Florence Braunstein et Jean-François Pépin, Puf, 1 700 p., 29 euros, tirage : 10 000 ex., ISBN : 978-2-13-062891-0, mise en vente : 26 février.