Voilà une année qui commence sur les chapeaux de roue avec un titre pas encore en vente qui s’écoule à des milliers d’exemplaires ! Le troisième volume de la saga d’Elena Ferrante L’amie prodigieuse, Celle qui fuit et celle qui reste (Gallimard), pointe en 37e position de notre palmarès des meilleures ventes de romans de la semaine du 26 décembre au 1er janvier, alors qu’il ne paraissait officiellement que le 3 janvier. Livrés à l’avance en raison de l’ampleur du tirage et des contraintes de la logistique et du transport en période de fêtes, plusieurs libraires, souvent sous la pression de leur clientèle, n’ont pas résisté à la tentation de le commercialiser dès la réception des colis, conduisant certains de leurs concurrents à faire de même, et les autres à subir la colère de leurs clients déçus de ne pouvoir acquérir le livre chez eux.
Coups de gueule sur Facebook, coups de fil à l’éditeur, au diffuseur ou au distributeur, coups de projecteur sur le phénomène dans la matinale de France Inter ou dans La Croix… Même si elle est loin d’être inédite, c’est peu dire que cette entorse aux bonnes pratiques a provoqué chez les libraires une émotion et une irritation à la hauteur de l’attente suscitée dans le public par un roman hautement addictif. Elle relance un débat jamais tranché au sein du Syndicat de la librairie française et parmi les diffuseurs sur l’opportunité de durcir des règles de mise en vente qui ont précisément été édictées pour protéger les indépendants de la concurrence des chaînes et du commerce en ligne.
Le bon côté du couac, c’est qu’il témoigne de l’enthousiasme que peut faire naître chez les lecteurs une œuvre de qualité. Avec Le dernier des Malaussène de Daniel Pennac (Gallimard), également commercialisé prématurément dans certaines librairies, et Danser au bord de l’abîme de Grégoire Delacourt (JC Lattès), finalement paru le 28 décembre après avoir été annoncé au 2 janvier, le nouveau titre de la mystérieuse romancière italienne attire du monde dans les commerces de livres dès les premiers jours de janvier. L’augure d’une belle année avec un marché du livre en bonne santé ? C’est en tout cas ce que souhaite Livres Hebdo à ses lecteurs.