"Le 10 juillet 2019, Yukihiko Okada, nous a quittés, à l'âge de 94 ans. Il était, comme l'a nommé l'ambassadeur de France au Japon, Laurent Pic, un grand ami de la France.
Il avait rejoint le Bureau des Copyrights Français (BCF) de Tokyo en 1953, dès la deuxième année d'activité de cette agence littéraire spécialisée dans les échanges entre la France et le Japon.
M. Okada a beaucoup œuvré pour la bonne gestion des droits des écrivains français au Japon puis il a étendu ses activités au théâtre, en défendant aussi les droits des membres de la SACD, et aux artistes français et internationaux en représentant les organismes français SPADEM puis ADAGP ainsi que leurs homologues dans le monde, d'abord dans le cadre du BCF puis en créant la Société pour la Protection des Droits Artistiques (SPDA) qui est devenue l’actuelle JASPAR (Japanese Society for Protecting Artists’ Rights) dans laquelle il a continué à apporter son concours jusqu'en 2018, à l'âge de 93 ans.
Son travail a été reconnu par le gouvernement français qui, en 1985, l’a nommé Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres qui élevé au rang d’Officier en 1997.
"Yuki", amoureux de la culture française
C'est plus de 150 personnes, éditeurs, galeristes, organisateurs d'expositions, amis, qui son venus lui rendre hommage lors de veillée funèbre et des obsèques qui ont eu lieu à Tokyo les 15 et 16 juillet dernier et nombreux ont été les messages amicaux et de reconnaissance envoyés de France à sa veuve, Yoshiko, par ceux qui, pendant plus de soixante ans, ont apprécié non seulement ses capacités professionnelles mais aussi ses qualités humaines, rectitude mais aussi humour, droiture mais aussi gentillesse, qui rendaient les échanges avec lui tout aussi riches qu'agréables. Car Yukihiko Okada, souvent appelé amicalement Yuki par ses interlocuteurs français, était aussi un homme cultivé, qui, très jeune, avait été attiré par la culture française qui représentait pour lui l'ouverture à la liberté de pensée, dans une période où le Japon s'engageait dans une voie hégémonique et militariste. Pendant cette période, puis ensuite, malgré la guerre, au risque d'être considéré comme "traitre envers la nation" il étudiait la langue française et lisait Anatole France avec avidité. Lorsque la situation internationale s'est pacifiée il a aussi pu donner libre cours à son intérêt pour les arts plastiques et le théâtre ainsi qu'à la cuisine : il était un fin connaisseur des restaurants tant de Tokyo que de Paris !
Yukihiko Okada a consacré sa vie à la recherche d'une bonne compréhension réciproque des valeurs et des trésors artistiques de la France et du Japon et il est devenu un des ponts essentiels, et de plus d'un raffinement remarquable, entre les deux pays, facilitant l'appréciation de la profondeur de la culture de chacun des deux pays dans chacun des deux pays.
Tous ceux qui ont cotoyé Yukihiko Okada auraient sans aucun doute pu dire ce qu'un des messages reçus de France soulignait : "Yuki comprenait bien l’esprit français et savait, avec beaucoup de diplomatie, nous faire comprendre ses compatriotes".?
La délicatesse
J'ai eu l'immense chance de rencontrer Monsieur Okada en 1989, alors que je terminais des recherches universitaires et m'interrogeais sur la façon de mettre à profit mes progrès dans l'usage de la langue japonaise et mon désir de trouver une activité entre France et Japon. Je peux dire que j'ai tout appris de lui en travaillant à ses côtés et que depuis 2004, année où je lui ai succédé au BCF, face à tout problème, avant de prendre une décision, je me demande encore aujourd'hui ce que lui aurait fait. Les 30 années passées près de lui ont été remplies de sa bienveillance, de son humour qui savait alléger les situations difficiles, des excellents repas pris en compagnie du gourmet qu'il était, seulement pour le plaisir du bon manger et boire, ou pour établir un moment de détente permettant de reprendre ensuite une discussion compliquée; toutes les meilleures adresses dont je dispose à Paris ou Tokyo sont des lieux qu'il m'a fait découvrir!
Comme beaucoup je pense, je suis très admirative de la façon dont Yukihiko Okada a vécu sa longue vie en attachant toujours de l'importance à agir en sorte de rendre plus doux chaque moment partagé avec quelqu'un.
Un des messages d'une de ses amies en France "Tu es parti comme tu as vécu, avec discrétion et délicatesse" résume l'image qu'il laissera dans nos esprits et nos cœurs.
Corinne Quentin, Tokyo le 30 juillet 2019