Des couleurs pop, des silhouettes au crayon qui s'élancent sur des à-plats graphiques... Nous voici loin des photos de businessmen en noir et blanc et des torses de pompiers. Avec ses couvertures ludiques, qui rappellent de très près le feel good book, la comédie romantique confirme son retour dans les catalogues. Qu'on le rapproche de la romance contemporaine ou de la littérature féminine, ce genre valorise l'invention, l'humour et la surprise. L'histoire d'amour reste centrale mais dans un registre plus relationnel et moins passionnel, les héroïnes finissant généralement par trouver l'âme sœur là où elles ne l'attendaient pas. C'est la « rom-com » américaine, la comédie de Noël à la Bridget Jones. Depuis l'essor de la TeamRomCom, collectif de six plumes (Marianne Lévy, Tonie Behar, etc.), certains éditeurs discutent avec des chargés de production audiovisuelle des adaptations de textes au cinéma, à la télévision, ou sur des plateformes numériques. Une opportunité en passe de devenir un nouveau graal.
Signe du temps ou d'un besoin de légèreté, des auteures venant d'autres horizons de la romance s'y mettent, Sophia Laurent, City, par exemple qui, après avoir publié une trilogie post-apocalyptique, un thriller et une saga fantastique, signe cette année L'amour est dans les prés. De Saxus, qui n'édite de la romance qu'à la marge de son catalogue de polars et thrillers, a misé sur la comédie pour son unique opus sentimental de l'année : Si Cupidon savait viser d'Alice Hérisson et James Harrington. « La dimension ludique de la comédie romantique est peut-être le contrepoids à la montée d'un certain réalisme en new adult. Les Françaises marchent bien sur ces deux pieds », analyse aussi Ambre Rouvière chez Prisma, qui publiait en juin Non mais oh, Roméo ! de Caroline Huyghues, sur les tribulations amoureuses d'une jeune quinqua sur les réseaux sociaux.
Appel d'air
Outre une proximité graphique et visuelle, la comédie romantique, comme le feel good, se veut à la fois réconfortante et divertissante. Mais sans forcément épouser le canevas du feel good book: la remise en cause d'un quotidien, le changement de vie, la dimension communautaire et la valorisation des relations de proximité n'y sont pas des passages obligés. La comédie romantique peut néanmoins viser un public proche de celui du feel good. « Le lectorat rejoint celui de la littérature féminine et d'une littérature générale populaire. C'est forcément une bonne nouvelle pour les éditeurs de romance, qui cherchent toujours à s'ouvrir, à créer des appels d'air », note Margaret Calpena responsable éditorial chez J'ai Lu.
Les éditeurs historiques du rayon comme Harlequin (HarperCollins), testent la réponse du lectorat à des sous-genres comme la « romance body positive ». L'Américaine Avery Flinn ouvre le ban avec une trilogie « 100 % assumée, 100 % décomplexée » selon l'argumentaire. Qu'est-ce qu'elle a ma gueule, le premier opus sorti le 2 octobre s'attache aux amours d'une « femme crevette », corps délicieux et tête ingrate, tandis que C'est pas la taille qui compte -(janvier 2020) et Garçon manqué et fille réussie (mars 2020) s'attaqueront aux diktats de la minceur et de la féminité. Un site dédié (http://romancebodypositive.fr/) a été mis en ligne mi-septembre. « Nous espérons lancer une petite mode, explique Sophie Lagriffol. Nous avons commencé à discuter avec plusieurs de nos auteurs francophones, pour voir si ce thème les intéresserait. Ce ne sont pas des commandes, mais une porte ouverte. »