"Je tiens l'affaire !" C'est par ces mots que Jean-François Champollion annonce à son frère aîné, Jacques-Joseph, le déchiffrement de l'écriture hiéroglyphique. Nous sommes le 14 septembre 1822 et le jeune égyptologue vient de découvrir la clé qui va ouvrir sur la connaissance de l'une des plus grandes civilisations.
Beaucoup de livres ont déjà été consacrés à Jean-François Champollion (1790-1832) et à son frère, plus connu sous le nom de Champollion-Figeac. L'originalité de ce Champollion par lui-même consiste à laisser le biographié se raconter, d'où le titre de cette nouvelle collection, "Autoportraits", dirigée par Laurent Greilsamer. Autoportrait certes, mais portrait aussi. L'introduction de Robert Solé, "Les passions d'un surdoué", en fait foi. L'ancien journaliste du Monde, qui a dirigé Le Monde des livres, retrace l'existence de cet explorateur farouche. Né au Caire, Robert Solé a consacré plusieurs romans et essais à ce pays, dont Les savants de Bonaparte (Seuil, 1998) dans lequel il était déjà question de Champollion. En puisant dans la correspondance, en fouillant dans les études et les carnets, il a réuni un corpus qui raconte le destin de ce génie, mort à 41 ans, qui perça le mystère de la pierre de Rosette. On y voit se dessiner la personnalité d'un homme fougueux, qui fit de la science un sport de combat contre les élites, les jaloux et les tièdes.
L'indéfectible soutien de son frère fut déterminant chez ce passionné qui n'était pas tendre avec ses rivaux. On suit ainsi les étapes de son travail. On voit à l'oeuvre le conservateur du nouveau département égyptien du Louvre en 1826 et on participe aux deux voyages en Egypte, en 1828 et 1829, qui permettent à Champollion d'entrer en contact avec les monuments et leurs inscriptions.
Il s'y sent chez lui, et la remontée du Nil, du Caire à Abou Simbel, lui procure des plaisirs intenses. Il sait qu'il ne peut tout noter et qu'il ne reviendra pas. Ce sentiment d'urgence marque tout ce livre. Comme si Champollion sentait que la mort allait l'emporter vite. "Trop tôt ! Il y a encore tant de choses là-dedans", dit-il à son frère en désignant sa tête. Mais avant de partir, il avait laissé la porte ouverte sur un trésor fabuleux.