« On n'a pas toujours neuf ans. » Sauf si on s'évapore brusquement lors d'une excursion scolaire. Un arrêt sur image d'autant plus inquiétant qu'on n'a jamais retrouvé le corps du petit Romain Poittevin. « Est-ce possible ? Se volatiliser sans laisser de trace, s'évanouir dans la nature, devenir invisible ? Ne plus jamais revenir ? » Telles sont les questions que se posent inlassablement ses proches. Certains se font des reproches, alors que visiblement le garçonnet a toujours été insaisissable, « différent, drôlement bizarre. Romain était ce petit poisson qui nageait à contre-courant du monde ». Un bagarreur au grand cœur qui n'aimait pas qu'on lui dicte quoi que ce soit, mais de là à semer tous les siens sans donner des nouvelles... Impossible ! S'est-il perdu ? Ou aurait-il été kidnappé ?
« Ne cherchez plus. Les vivants meurent toujours de trop espérer. N'espérez plus », leur recommande-t-on. Or il est évidemment inconcevable de tourner la page de cette disparition qui va les marquer à jamais. « Les chagrins, ça s'oublie. Les blessures, uniques en leur genre, ne se referment pas toujours. Il y aura sur la peau un changement indiquant l'incident passé. » Alors que la mère se désespère, l'ancienne professeure, Mme Drumont, ronge sa culpabilité jusque dans son Ehpad. Pour la première, « vivre encore, c'est un affront. Il avait fallu oublier la légèreté, l'insouciance. Faire avec la tragédie, jour après jour ». Les années ont passé, mais pas le sentiment d'irrémédiabilité. Le frère et la sœur de Romain ont grandi, or eux aussi ont été fracturés dans l'amour et la vie. « Avant, on pouvait compter jusqu'à trois enfants sous la pellicule de plastique. Manque désormais le frangin, le frérot, le dernier de la fratrie, parti si jeune. » L'absence est telle qu'elle envahit tout... D'une écriture ultrasensible, l'auteure corse Cécilia Castelli (Frères Soleil) décrit le rapport à la mort, au chagrin, à l'impuissance et au deuil impossible. Mais elle compose aussi un suspense étrangement onirique, dans lequel on découvre parallèlement l'histoire d'êtres sauvages marginalisés. Complètement coupés du monde, ils vivent en harmonie avec la nature profonde. Est-ce entre leurs mains que se situe la réponse de l'énigme Poittevin ?
Peupler la colline
Le Passage
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18 € ; 216 p.
ISBN: 9782847424881