« Nous sommes tous enfermés », que ce soit dans nos corps, nos esprits, nos conventions ou nos émotions. Certains le sont toutefois littéralement, tant leurs douleurs ne leur permettent plus de vivre. Un séjour en hôpital psychiatrique peut s'avérer bénéfique, comme en témoigne Tom, très investi dans son travail. « J'y ai en charge une vingtaine de patients israéliens et palestiniens. Des cas cliniquement passionnants [...] » Parmi eux, deux personnalités atypiques ressortent clairement du lot. « Roshan et Steiner sont des êtres en morceaux. Des fragments d'humanité. » Steiner est un ancien enfant caché, qui a trouvé son salut dans la musique. Mais à 80 ans, l'ancien harpiste de l'orchestre philharmonique d'Israël se retrouve en prise avec une paranoïa psychotique. Comment ne pas s'attacher à ce vieil homme vibrant ? « C'est le dialogue qui permet la réparation », estime Tom. Le psychiatre y aspire aussi pour Roshan, paralysée par son déni de grossesse. Au sein de sa famille traditionnelle, celle-ci serait perçue comme un crime - l'autre étant de se faire soigner chez « l'ennemi », les Israéliens. Cette patiente trouble particulièrement le psychiatre, d'autant qu'elle le renvoie à sa propre histoire familiale. Celle d'un enfant rejeté par une mère traumatisée, incapable de l'aimer en raison de deuils trop encombrants. Une mère avec laquelle il essaye néanmoins de tisser un lien, aussi fragile soit-il.
Prisonnière de son corps, Roshan s'ouvre peu à peu en allant voir la mer. « Cette fille me met dans un état anormal », avoue Tom, prêt à tout pour la sauver. Leur relation n'évolue pourtant pas sur un terrain paisible, puisqu'au-delà des troubles psychiques, un pays se déchire. En cette année 2019, les discordes entre Israéliens et Palestiniens ne font que s'accroître. Est-ce réellement possible de faire abstraction d'une telle tension politique ? « Le sacré, c'est ce qui nous permet de vivre ensemble. La foi qui nous réunit. Elle est un espoir. » Encore faut-il trouver la paix en soi. Oscillant entre silences et secrets, ce nouveau roman de Cécile Ladjali s'intéresse aux renaissances lorsqu'on n'a pas été épargné par des blessures intenses. « Qu'est-ce qui peut faire tomber les murs, sinon l'amour », et la force de la vie.
La nuit est mon jour préféré
Actes Sud
Tirage: 4 600 ex.
Prix: 21,50 € ; 288 p.
ISBN: 9782330173852