Loi Renseignement

Cécile Guyon : « Il faut un encadrement démocratique » pour l'accès aux archives

Bâtiment du site de Fontainebleau. - Photo Archives nationales (France)

Cécile Guyon : « Il faut un encadrement démocratique » pour l'accès aux archives

Le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement vient d’être validé par le Sénat. Mais il limiterait l’accès aux archives, et ce, sans contrôle démocratique, dénoncent des historiens. Entretien avec Cécile Guyon, présidente de l’Association des archivistes français.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 02.07.2021 à 17h00

Dans la nuit de mardi 29 à mercredi 30 juin, le Sénat a approuvé, par 251 voix pour et 27 contre, le projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement. Mais des associations d’historiens, de chercheurs et d’archivistes pointent du doigt l’article 19. Il promet la déclassification de documents classés secret-défense, mais, pour Céline Guyon, présidente de l’Association des archivistes français (AAF), c’est un trompe-l’œil avec des conséquences graves sur l’accès au savoir et le fonctionnement de la démocratie.

Comment accueillez-vous l’issue de ce vote ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de « vote ». Pour des raisons de procédure législative, seul le premier amendement, qui apportait de simples modifications rédactionnelles, a été examiné. Les suivants, qui touchaient au fond du sujet, n’ont pas été soumis au vote.

Que reprochez-vous à ce texte ?
Dans l’état actuel, il donne aux services de renseignement le pouvoir de déterminer le délai à partir duquel une archive — d’une « valeur opérationnelle » — devient accessible. Mais ce délai est indéterminé et inconnu ! Concrètement, les services de renseignement pourraient décider de fermer l’accès à des document de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’aujourd’hui la loi de 2008 autorise à les déclassifier automatiquement s’ils ont plus de cinquante ans, sauf si cela menace la sécurité du pays.

Quel serait le texte idéal, qui assurerait l’équilibre entre l’accès aux archives et la protection d’informations secrètes ?
Celui de la loi de 2008. Nous comprenons que des documents datant de plus de cinquante ans puissent encore être sensibles. Mais la loi de 2008 prévoit déjà l’incommunicabilité d’archives lorsqu’elles permettent de localiser des armes nucléaires par exemple.
Donc aujourd’hui nous considérons qu’il faut fixer un délai clair, quitte à ce qu’il soit revu de manière régulière. Et que ce soit le législateur, l’administration des archives, qui détermine ce délai, et non les services du renseignement. Il faut un encadrement démocratique.

Comment cet article 19 est-il né ?
En 2011, une instruction générale interministérielle a dit que les archives classées secret-défense devaient être déclassifiées. Or, cette instruction entre en contradiction avec la loi. En juin, le rapporteur public du Conseil d’État a d’ailleurs bien rappelé que la procédure de déclassification était illégale.
Le gouvernement a donc proposé cet article 19, qui confirme que ces archives ne doivent pas être déclassifiées. Mais, en contrepartie, les délais d’accès sont allongés. En fait, le texte fait croire qu’il donne de nouveaux droits alors qu’ils sont déjà inscrits dans la loi de 2008 ! Et sous couvert de « dé-déclassifier » des archives, il ferme leur accès par un autre biais.

Quelle est la suite ?
Début juillet, une commission mixte paritaire va concilier les textes sortis au Sénat et au Parlement. Mais, comme ces deux textes sont très proches, il y a peu de chances qu’il y ait des modifications de fond. Lorsque le texte aura « définitivement » été adopté, nous appellerons donc les parlementaires à saisir le Conseil constitutionnel.

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