Puisant des éléments dans sa propre vie (il est noir, gay, et vit à Houston, Texas), c'est comme si Bryan Washington avait voulu inventer l'histoire d'amour (s) la plus improbable qui soit, de celles qui ont contre elles tous les obstacles imaginables. Et qui, tant bien que mal, parviennent à exister. Benson et Mike, tour à tour narrateurs du roman à la première personne, se sont rencontrés il y a quatre ans. L'un est noir, séropositif, et travaille dans une crèche. L'autre est asiatique, de parents japonais, gros, et travaille dans un restaurant. « Un Niak et un Négro », résume Mike, dans son parler argotique. Le premier a fini par s'installer chez le second, dans le quartier populaire et pluriethnique de Third Ward où se côtoient Blacks, Latinos et Pakis. Leurs familles respectives, chaotiques, sont plus ou moins au courant de leurs goûts, et finiront par les admettre. Chez Benson, le père, alcoolique, violent, tyrannique, et la mère sont divorcés. Celle-ci s'est remariée avec un Nigérian, et ils ont deux fils. Benson a une sœur aînée, Lydia, qui l'a un peu déluré. Mike, lui, fils de Japonais installés aux États-Unis, a vécu une enfance pauvre, entre les deux pays. Son père Eiju est retourné s'installer à Osaka, où il tient un bar. Lorsque commence le roman, Eiju est en train de mourir d'un cancer du pancréas. Mike décide d'aller le rejoindre, de rester auprès de lui jusqu'à la fin. Pendant ce temps-là, sa mère, Mitsuko, vient s'installer chez lui, avec Benson, pour qui elle va prendre un intense plaisir à confectionner de la cuisine japonaise traditionnelle. Mais la cohabitation est compliquée. De même, à Osaka, les retrouvailles entre le père et le fils sont brutales, houleuses, même si l'amour enfoui va finir par ressurgir.
Mais le couple Benson-Mike résistera-t-il à cet éloignement, à ces épreuves, ou les tentations (Tan le jeune Singapourien, Omar le grand frère d'un des bambins de la crèche) en auront-elles raison ? Il faudra suivre les héros dans leurs tribulations, leurs méandres, leurs souvenirs, leurs traumas, et ces interminables dialogues (grossiers de la part de Mike) où ils ne se parlent pas vraiment, pour le découvrir.
Bryan Washington, né en 1993, est le pur produit du multiculturalisme et du creative writing américains. Son recueil de nouvelles, Lot, paru en 2019, a été récompensé par plusieurs prix, dont le Dylan Thomas Prize. Il sera présent au prochain festival America.
Houston Osaka Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurent Trèves
JC Lattès
Tirage: 6 500 ex.
Prix: 21,90 € ; 396 p.
ISBN: 9782709668446