Le dernier problème. Un blaireau inspecteur de police, des sauriens mafieux, des bébés suricates enlevés à leur famille, le tout dans une Europe Belle Époque dominée par la France après la victoire de Napoléon sur l'Angleterre... Tels sont les personnages et le décor, singuliers, du cinquième et dernier tome de Grandville, la série animalière steampunk de Bryan Talbot. Un volume qui peut s'apprécier sans avoir lu les précédents et dans lequel l'inspecteur Archibald LeBrock est aux prises avec un tyrannosaure sanguinaire, roi de la pègre parisienne qui entend dominer aussi celle de Londres. Bryan Talbot mêle ici avec brio enquête policière classique - à travers des flash-back sur les débuts de LeBrock - et impitoyable guerre des gangs. Comme toujours chez lui, l'aventure est menée sans temps mort, l'intrigue est riche, l'univers foisonnant et méticuleusement construit, les personnages animaliers presque humains, l'arrière-plan empreint de préoccupations sociales (ici, Talbot pourfend le racisme et l'intolérance). Surtout, ce récit violent et sombre, graphiquement impressionnant de précision et de limpidité, est allégé par son humour et ses innombrables références et clins d'œil (de Blacksad à Édith Piaf). Cerise sur le gâteau, cet album est aussi un hommage particulièrement réussi à Sherlock Holmes, à travers le personnage de Stamford Hawksmoor, détective d'une perspicacité inouïe, et de multiples allusions à l'œuvre de Conan Doyle. Maître de la BD d'outre-Manche, Bryan Talbot pouvait difficilement faire mieux que ce Grandville. Force majeure pour enfin obtenir en France la même reconnaissance.