Mort à 28 ans, engagé dans la guerre de 1870 comme pour expier quelque tourment intime, alors que rien ne l’y obligeait et qu’une brillante carrière s’ouvrait devant lui, Frédéric Bazille (1841-1870) n’a pas eu le temps de donner vraiment toute sa mesure, même si, sur les cinquante tableaux qu’il a peints, figurent quelques chefs-d’œuvre, comme Le pêcheur à l’épervier, Scène d’été ou La vue de village, par exemple. Proches et dignes de ceux de ses amis Monet, Renoir ou Sisley, avec qui il a partagé des ateliers à Paris. Et de Manet, le maître vénéré.
Un temps minoré, voire oublié par les historiens de l’impressionnisme, où il occupe une place singulière de précurseur et de compagnon de route - s’il avait vécu, aurait-il basculé vers le mouvement? -, Bazille reprend aujourd’hui toute sa place, grâce notamment à l’exposition "Frédéric Bazille, la jeunesse de l’impressionnisme", présentée au musée Fabre de Montpellier, puis au musée d’Orsay, et à la National Gallery of Art de Washington, en 2016-2017, dont Michel Hilaire, ancien directeur du musée Fabre, était le commissaire.
A travers les tableaux de Bazille, né dans une grande famille de notables protestants qui le destinait d’abord à la médecine, c’est toute une époque qui revit, et une terre, ce Languedoc méditerranéen à qui il était passionnément attaché, comme Courbet et d’autres. Etant donné son destin tragique, on ne peut s’empêcher d’y lire une nostalgie, la prémonition que ces instants de bonheur, dans la vibration de la lumière du Sud, seraient bien éphémères. Plus que de l’impression, l’artiste était un maître de l’émotion. En témoigne la riche collection du musée Fabre analysée ici (dix-huit dessins ou tableaux), où Bazille est chez lui. J.-C. P.