Graham Swift est le moins connu en France des romanciers anglais de sa génération. Son livre le plus marquant, Le pays des eaux (Robert Laffont, 1985, repris en Folio), a pourtant été salué comme un chef-d’œuvre avant d’être inscrit au programme de l’agrégation par l’université française. Le Londonien n’a ensuiste jamais démérité, recevant même le prix du Meilleur livre étranger pour A tout jamais (Gallimard, 1993) et le Booker Prize pour La dernière tournée (Gallimard, 1997), dont la structure narrative rappelle celle de Tandis que j’agonise de Faulkner.
Jack Luxton, le héros de son nouveau roman, J’aimerais tellement que tu sois là, est un éleveur de bétail au bord de la faillite. Il est né à la ferme, sur quatre-vingts hectares de terrain, aux petites heures d’une nuit de septembre. Installé au fin fond de l’île de Wight, l’aîné des frères Luxton vit avec Ellie, de qui il n’a pas d’enfants.
Rien ne va plus dans leur couple quand cette fille d’un receveur des postes et d’une mère qui l’a abandonnée, elle et son père, décide de couper les amarres et de partir avec les vêtements qu’elle a sur elle et le contenu de son sac à main. Dès lors, Jack campe au premier étage de sa maison. Avec son fusil de chasse et une boîte de vingt-cinq cartouches.
Pour mieux comprendre l’état psychologique de Jack, il convient d’évoquer ici la figure de Tom, son cadet de 8 ans. Un garçon brillant qui s’est engagé dans l’armée et s’en est allé faire la guerre. Un sale jour, une lettre du ministère de la Défendre a provoqué les premières larmes de l’existence de Jack, à l’âge de 39 ans. La missive lui apprenait que le caporal Thomas Luxton, ainsi que deux membres de son unité, avait été tué « en service actif, en première ligne » en Irak dans la région d’opération de Bassora.
Peintre de l’âme humaine toujours aussi subtil, Graham Swift creuse les fêlures de ses personnages tout en peignant un monde agricole au bord du précipice.
Alexandre Fillon
