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Arnaud Esquerre : des sujets vulgaires

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Arnaud Esquerre : des sujets vulgaires

Après s’être intéressé aux sectes, à la crémation ou à l’astrologie, le sociologue Arnaud Esquerre a décortiqué les témoignages sur les extraterrestres.

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Par Laurent Lemire
Créé le 05.02.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 05.02.2016 à 10h55

La lecture du Parisien lui en apprend plus sur le quotidien des gens que bien des thèses. La sienne, il l’a soutenue en 2008 à l’EHESS sous la direction de Luc Boltanski. Elle était consacrée aux sectes et a été publiée un an plus tard chez Fayard, l’éditeur qui le suit depuis le début.

Arnaud Esquerre n’est pas un chercheur à faire de l’esbroufe. Il est pourtant intervenu dans Le Monde à l’automne 2015 à propos de l’exposition d’Anish Kapoor dans les jardins du château de Versailles. "Quand on inscrit des paroles antisémites dans un pays où l’on tue des juifs, le vandalisme n’est pas le plus important."

 

Précurseur

Il s’est forgé les outils intellectuels pour saisir les choses pas nobles telles la peur de la fin du monde, la crémation ou l’astrologie. Avec le même calme, mais la même détermination, il les a utilisés pour décortiquer les témoignages sur les ovnis collectés en France depuis 1954. Pas pour les contredire, mais pour les comprendre.

"Je suis un grand lecteur de Freud qui s’est intéressé à des sujets vulgaires comme le mot d’esprit et qui en a tiré une théorie passionnante", indique-t-il. Lui aussi a la sienne sur ces événements extraterrestres : "Il s’agit d’un problème de perception et de la manière dont on le raconte. L’incertitude est d’autant plus manifeste que la chose ne persiste pas. Les récits de fantômes doivent être proches de ces témoignages. Les deux possèdent un ancrage cognitif très fort."

Travaillant sur ces sujets délaissés, ce chargé de recherche au CNRS, au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, à Nanterre, se sent plus libre. "On a le sentiment d’être précurseur", se réjouit-il. Depuis son passage par l’EHESS, il est sensible à l’interdisciplinarité, comme Foucault, l’un de ses maîtres. "C’est ce qui permet de faire bouger un peu les frontières." Ainsi dans sa Théorie des événements extraterrestres, il fait appel à la linguistique. "J’ai voulu comprendre la manière dont on raconte ces histoires et j’ai fini par remettre en cause la différence entre l’écrit et l’oral."

Venu à la sociologie par Pierre Bourdieu, Arnaud Esquerre n’en fait pas pour autant un sport de combat. "Ce qui m’intéresse, explique-t-il, c’est la transmission de la connaissance. Il faut apprendre quelque chose aux gens, les aider à comprendre différemment le monde dans lequel ils vivent. Rien que ça, c’est déjà un geste d’engagement." Laurent Lemire

 

Arnaud Esquerre, Théorie des événements extraterrestres. Essai sur le récit fantastique, Fayard. 20 euros ; 300 p. Sortie : 25 février. ISBN : 978-2-213-68635-6.

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