Né dans une famille de militaires où tout le monde est passé par Saint-Cyr, Antoine Billot fait figure de vilain petit canard. Il n’aimait pas le sport, du fait de sa "constitution plutôt chétive", sans doute. Son père officier eut beau l’inscrire au rugby : "Ça a été un cauchemar, on me prenait pour le ballon." Il était plus à l’aise dans la grande bibliothèque familiale dont il écumait les ouvrages, sans forcément tout saisir. Son frère aîné riait de ce qu’il pouvait bien avoir compris de La nausée de Sartre qu’il avait lu à 12 ans.
Fort en thème
Très vite, sa famille lui a alloué la place du fort en thème, que ses résultats scolaires ne démentirent pas. Sa première histoire, il l’a écrite en 5e - le récit d’un homme fou qui plutôt qu’au psychiatre préférait parler à un banc. A 18 ans, Antoine Billot se souvient avoir commis une demi-douzaine de nouvelles, un début de roman, une pièce de théâtre "sous influencede La ville dont le prince est un enfant d’Henry de Montherlant".
L’écriture ne fut jamais pour lui, comme chez beaucoup d’adolescents et aspirants écrivains, le lieu de l’expression du lyrisme sentimental ou de la révolte politique. Ses auteurs de prédilection, à l’époque : Mauriac, Montherlant, Drieu la Rochelle dont l’Etat-civil lui inspirera La part de l’absent (Gallimard, 2004), sur la disparition et l’omniprésence du frère mort quatre ans avant sa naissance. "Des auteurs de droite, à part Aragon", chez lesquels le style prime sur le message, l’élégance désabusée l’emporte sur la conviction du discours.
Vers une littérature "plutôt formaliste" son cœur encore balance. Antoine Billot a le goût de la beauté abstraite qu’il a pu cultiver au cours de ses études de mathématiques, puis dans sa carrière d’économiste (il est spécialiste de la théorie des sous-ensembles flous, "une façon de rendre mathématiquement intelligible l’idée du vague") : "Dans les mathématiques, il y a quelque chose qui échappe à la poussière du monde réel, c’est pur, esthétique, des sensations assez proches de la littérature, finalement."
Après un livre sur Barrès que lui avait suggéré J.-B. Pontalis, l’éditeur de sa toute première fiction, Le désarroi de l’élèveWittgenstein (Gallimard, "L’un et l’autre", 2003), Antoine Billot s’attelle dans Otage de marque à Blum et à ses années d’incarcération pendant la guerre, pas tant l’homme politique que l’homme de lettres, le stendhalien et admirateur de l’auteur du Culte du moi. Et réaffirme sa vision de la littérature comme style. Car le style, c’est l’auteur même. Jean J. Rose
Antoine Billot, Otage de marque, Gallimard. 19 €, 248 p. ISBN : 978-2-07-010707-0. Sortie le 11 février.