Louise est chanteuse dans Les Foudroyés, le groupe un peu plus qu'amateur fondé par son amoureux Marco. Mais ça ne paie ni le loyer, ni surtout le remboursement d'un prêt étudiant que sa mère a empoché à sa place avant de les laisser, elle, son frère aîné et son demi-frère de 13 ans, pour refaire sa vie dans le Sud. Pas d'autre choix que de se porter candidate, après avoir passé le concours de la fonction publique territoriale, à un poste de chargée de mission « Culture et Territoires » dans une grande collectivité : un travail bien loin de ses aspirations artistiques.
La voilà partageant un bureau avec une secrétaire et un cadre administratif et financier (le « CADAF », dans la langue qu'elle va devoir apprendre), dans un paquebot aux couloirs labyrinthiques. Sa mission ? Pas très claire et directement encadrée par un chef de service toujours débordé. En pratique, il s'agit de concocter un programme de spectacles et de rencontres pour la VP, la vice-présidente de la collectivité, élue en charge de la Culture, une spectaculaire maîtresse dominatrice qui martyrise son assistante, dans l'Olympe du 18e étage.
Plongée dans ce monde administratif inconnu, Louise découvre son jargon, ses acronymes obscurs, l'« architecture » alambiquée de son organigramme, ses pratiques récapitulées dans le volumineux « guide des procédures », les règles de la communication hiérarchique, les « delib' » à n'en plus finir, les debrief de réunion de réunion : le brassage de vent. Chaque journée commence, comme chaque court chapitre, par les infos de la messagerie interne qui annoncent pêle-mêle les « temps de convivialité partagée », des réunions à l'intitulé ésotérique, des formations fumeuses, l'actualité du club vélo ou des « save the date » sans date... Mois après mois, notre missionnée s'étiole un peu plus, même si son quotidien est pimenté par l'enquête qu'elle mène autour du suicide de son prédécesseur - pourquoi s'est-il jeté de la terrasse du bâtiment ? -, par la pratique d'un « jeu en ligne découvert au creux d'un après-midi d'errance bureaucratique » puis par un projet d'arnaque aux subventions. Premier roman qui sent le vécu en immersion, L'expérience du vide fait la visite ironique d'une usine à gaz, repère d'ambitions frustrées, de petites mesquineries et de harcèlements ordinaires : l'absurdité et l'ennui joués sur un tempo alerte.
L'expérience du vide
Éditions de l’Aube
Tirage: 1 800 ex.
Prix: 19,90 € ; 280 p.
ISBN: 9782815942263