La destinée d'Angélique Kidjo fait rêver, tant elle ressemble à un conte de fées moderne. Il y a d'abord son berceau, au Bénin, où elle voit le jour juste avant l'indépendance. Sa famille, avant-gardiste et égalitaire, s'inscrit dans une lignée de femmes au tempérament puissant. Aucune d'entre elles ne se laisse guider par autre chose que sa volonté, quitte à choquer. Sa mère s'avère une pionnière en matière théâtrale. Elle est la première d'Afrique de l'Ouest à créer sa propre troupe. « C'était une femme à la passion débordante. » Elle a visiblement transmis cette qualité à sa fille. Mais il y a aussi la figure paternelle, très inhabituelle. Résolument persuadé que l'éducation est indispensable à ses dix enfants, il leur inculque ce précepte : « Votre cerveau est votre arme absolue. » Autre leçon essentielle : « Notre corps est un sanctuaire. »
Mais tout le monde ne partage pas cet avis, comme le rappelle l'artiste. « Au collège, en Afrique, tu n'avais pas ta place en tant que fille, tu devais te marier. » Bien qu'elle soit asthmatique, Angélique a d'autres ambitions. La musique l'habite depuis qu'elle est toute petite. Son père affirme d'ailleurs qu'elle est « née en chantant ». Débute alors un parcours du combattant pour prendre sa place dans ce domaine. Mais la jeune fille fait fi des préjugés sexistes en s'imposant comme une star à 19 ans. « La musique est inscrite au sein de ma personnalité. Sur scène, je pouvais être qui je voulais. » Cela ne plaît pas à tout le monde... La dictature du président Mathieu Kérékou prend les devants en interdisant toute musique à la radio. Kidjo est consternée. La mort dans l'âme, elle se sépare des siens en optant pour l'exil, en 1983. Destination la France, où elle va se heurter à d'autres obstacles comme le racisme ambiant. « Avant d'être femme, avant d'être noire, je suis un être humain », revendique la chanteuse polyglotte. « Mon histoire est un métissage », or « l'âme n'a pas de couleur ». Sa musique non plus, puisqu'elle se nourrit de nombreuses influences pop, jazz, africaines ou sud-américaines. « Par le chant, elle cherche à rassembler les peuples et les cultures », explique Sophie Lhuillier, qui mène l'entretien au sein de cette magnifique collection intitulée « Je chemine avec... » Le succès étant au rendez-vous, Kidjo enchaîne les concerts avec la complicité de son mari Jean Hébrail. Pour l'éditrice, « chacun de ses albums est intimement lié à l'histoire de l'Afrique et la défense des droits humains : esclavage, apartheid, droits des femmes, des enfants ».
Mais l'art ne suffit pas à changer le monde. Angélique Kidjo s'investit alors pleinement dans l'humanitaire et devient ambassadrice de bonne volonté à l'Unicef. Cette présence sur le terrain la bouleverse à jamais. L'éducation des filles lui semble prioritaire, alors elle crée parallèlement la fondation Batonga. « J'avais un rêve de départ. Devenir une chanteuse connue pour créer des ponts entre les cultures. » Mission réussie !
Je chemine avec Angélique Kidjo
Seuil
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 12 € ; 176 p.
ISBN: 9782021474848