Contacté, le groupe n’a pas indiqué avant la publication de cet article s’il avait l’intention de faire appel de ce jugement prononcé à la suite d’une assignation déposée en juillet 2017 par Bruno Lemaire, ministre l’économie et des finances, après une enquête préalable de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Les sept clauses condamnées concernent :
- l’absence de notification individuelle et de préavis adressée aux vendeurs en cas de modification de leur contrat
- l’absence de notification individuelle et de préavis, l’ambiguïté et l’imprécision des conditions de suspension ou de résiliation du contrat
- l’opacité et les modifications discrétionnaires des critères de performance appliqués aux vendeurs
- l’imprécision des conditions de rejet de mise en vente d’un produit
- la rédaction et la mise en œuvre de la garantie A à Z et du remboursement des clients
- l’ambiguïté de la parité des conditions, qui oblige les vendeurs à accorder à Amazon les meilleures conditions négociées avec les autres places de marché
- les exonérations de responsabilité d’Amazon à l’égard des vendeurs dans son service d’expédition.
En revanche, les clauses concernant la suspension ou l’annulation d’une transaction, les frais de service, l’usage des marques du vendeur, la confidentialité des échanges, certaines dispositions du stockage et la limitation de responsabilité pour négligence n’ont pas été jugées abusives, et Amazon a modifié celle qui concernait les frais d’expédition. Au total, le ministre demandait une condamnation à une amende de 9,5 millions d’euros.
Une place de marché incontournable
L’assignation visait Amazon France Services, filiale basée à Clichy (Hauts de Seine), Amazon Services Europe, installée au Luxembourg, de même qu’Amazon Payments Europe, cette dernière étant mise hors de cause dans la décision du tribunal de commerce, qui détaille les conditions du déséquilibre des relations entre Amazon et les utilisateurs de sa place de marché, en raison des contrats qui leur sont imposés.
Le tribunal de commerce expose aussi l’importance de cette place de marché, incontournable pour des vendeurs sur Internet, qui ne peuvent se replier sur leur propre site ou ceux de concurrents s’ils sont mécontents des conditions qui leur sont faites. « En France, amazon.fr est le premier site marchand de produits finis pour les consommateurs avec un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros et 18 millions de visiteurs, soit 40% des internautes visitant les sites marchands », qui trouvent sur cette place de marché plus de 170 000 fabricants ou distributeurs.
Plus de 60% des ventes d’Amazon France sont réalisés par ces vendeurs tiers selon le préambule du jugement, qui précise que la place de marché assure l’essentiel des profits de la société, laquelle prélève « 5 à 45% du prix du produit suivant sa nature et selon l’option des services rendus ».
Plus de 1000 libraires
En 2013, selon un dirigeant de la branche française d’Amazon, un millier de libraires utilisaient alors la place de marché du groupe, sans précision sur la proportion de revendeurs de livres d’occasion. Le groupe n’a jamais fourni d’autres indication concernant ce secteur. Le détail du dispositif du jugement sera publié sur le site de la DGCCRF, qui a auditionné dix revendeurs lors de son enquête préalable.
En septembre 2018, la Commission européenne a annoncé avoir également ouvert une enquête préliminaire sur les conditions de la place de marché d’Amazon, confirmée en juillet dernier.
A l’occasion des 25 ans de la création d’Amazon à Seattle aux Etats-Unis, plusieurs livres ont été programmés en France sur le succès du groupe, qui a commencé par vendre des livres sur Internet : Le monde selon Amazon, de Vincent Berthelot, publié au Cherche Midi. A paraitre chez Robert Laffont : Amazon, main basse sur le futur de Vincent Mayet ; et au Nouvel Attila : Contre Amazon : sept raisons, 1 manifeste, de Jorge Carrion.